Archéologie :
Qumram et les manuscrits de la mer Morte

Les grottes de Qumram

Au cours de l'été 1947, un jeune Bédouin cherchait une chèvre égarée; voulant vérifier si elle ne s'était pas introduite par hasard dans une grotte, il jeta quelques cailloux dans l'obscurité et entendit un bruit de jarres brisées.

Il venait de trouver des rouleaux provenant de la bibliothèque d'un ancien monastère juif, à 1 km de la côte nord-ouest de la mer Morte et à 12 km au sud de Jéricho.


Sommaire :

L'histoire des Hassidim
Des manuscrits préservés pendant 2000 ans
Jean Baptiste et Jésus, des qumranites ?


La plus importante découverte des temps modernes

D'après l'archéologue Albright, sa découverte était " la plus importante des temps modernes ". En explorant systématiquement la région, on localisa quinze autres grottes abritant des parchemins, mais nulle part on ne dénicha des documents aussi capitaux que dans la première, celle du petit berger.

L'histoire des Hassidim

Pendant la persécution religieuse d'Antiochos IV Épiphane au début du II° siècle av JC, de nombreux juifs furent obligés de renoncer à leur foi; quelques-uns formèrent cependant le groupe des hassidim (les " pieux "), résolus à rester fidèles à la Loi de Moïse et à écarter toutes les impuretés.

Plus tard, les hassidim fondèrent un monastère à Qumran, près de la mer Morte, afin de mieux vivre leur exigeant idéal; ils s'y consacraient au célibat, à la prière, à la méditation des Écritures, au chant des hymnes et des psaumes en attendant la venue imminente du Messie. Ils ne reconnaissaient pas l'autorité du GrandPrêtre, apostat à leur yeux, et ne participaient pas au culte du Temple.

Vers l'an 68 apr JC, la X° légion romaine occupa le monastère et campa sur ses ruines pendant deux années, jusqu'à la prise et la destruction de Jérusalem en 70. Prévoyant sans doute l'arrivée des Romains et désirant mettre à l'abri ses précieux livres sacrés, la communauté de Qumran les enferma dans des jarres de terre cuite et les cacha dans les grottes alentour. Probablement fut-elle ensuite exterminée par les envahisseurs puisque aucun survivant ne revint récupérer les rouleaux.

Des manuscrits préservés pendant 2000 ans

Fragment d'un manuscrit de qumramSauvés de la décomposition par la sécheresse quasi absolue, ils se conservèrent ainsi pendant vingt siècles. Les manuscrits retrouvés (ci-contre un fragment d'un manuscrit de qumram) sont aujourd'hui restaurés, déchiffrés, traduits, publiés, commentés dans une multitude d'ouvrages savants ou de vulgarisation.

L'état de conservation des manuscrits est inégal et la lecture peut en être rendue fort difficile. Dans certains cas, la reconstitution du texte relève de la pure et simple hypothèse.

Les experts paléographes leur attribuent des dates différentes :

  • les plus anciens remontent III° siècle av. J.-C.
  • les plus modernes sont du I° siècle apr. J.-C., peu de temps avant la destruction de Qumran.
  • Le quart environ est constitué de textes bibliques :
    • tous les livres de l'Ancien Testament à l'exception d'Esther,
    • on trouve ainsi un rouleau du livre d'Isaïe presque entier, de l'an 100 av. J.-C. semble-t-il,
    • des fragments de ce même Isaïe copiés au III° siècle av JC,
    • un manuscrit de l'Ecclésiaste écrit vers 150 av. J.-C., c'est-à-dire un siècle seulement après l'original,
    • un autre de Daniel encore plus rapproché du premier exemplaire - cinquante années - dont on suppose qu'il fut rédigé vers 164 av JC.
  • Outre les copies bibliques si importantes pour rétablir le texte exact des Écritures, les grottes de Qumran nous ont livré des manuscrits (commentaire de la Bible, Règle de la Communauté, Rouleau de la Guerre, etc.) qui font mieux connaître le pays de Jésus-Christ.

Les découvertes de Qumran s'inscrivent dans les recherches menées par les spécialistes afin de remonter dans le temps le plus près possible des textes originaux. Bien que fragmentaires, elles s'avèrent précieuses quand on les compare aux écrits postérieurs dont on vérifiera ainsi l'authenticité; elles permettent surtout d'effectuer un formidable bond en avant de plusieurs siècles, et même parfois de mille années.

En 1972, une nouvelle causa sensation : des petits fragments des papyri de Qumran, où n'apparaissaient que quelques caractères, correspondaient à des passages du Nouveau Testament; l'un d'entre eux, écrit vers 50 ap JC, appartiendrait à l'évangile selon saint Marc, éventualité qui remettait en cause toutes les théories traditionnelles sur la rédaction des évangiles. La plupart des savants repoussèrent en fin de compte ces suppositions révolutionnaires.

Jean Baptiste et Jésus, des qumranites ?

Certains ont même été jusqu'à imaginer que Jean-Baptiste ou jésus étaient qumranites, tant la ressemblance était frappante entre leur mode de vie et celui des membres de la communauté, mais l'hypothèse est bien vite démentie par une comparaison plus précise : les moines de Qumran se considèrent comme le " reste d'Israël ", " ceux de la voie parfaite ", l'armée de Dieu en vue du combat apocalyptique qui se déroulera bientôt entre la Lumière et les Ténèbres.

Ils méprisent la masse pécheresse et c'est pourquoi ils se sont réfugiés dans le désert. Jean-Baptiste a lui aussi été élevé dans le désert (Lc 1:80) et il a commencé ses activités près des rives du Jourdain, non loin de Qumran, mais il ne pense pas que la plupart des êtres sont perdus; il les accueille, les exhorte au repentir et à la conversion, et quand ils lui demandent ce qu'ils doivent faire pour se sauver, Jean-Baptiste n'exige pas la façon de vivre des qumranites; il attend d'eux seulement l'accomplissement de ce que nous appellerions justice sociale et devoirs d'État ou de profession (Lc 3:10-14).

De son côté, Jésus-Christ ne se contente pas de guetter l'arrivée des pécheurs dans le désert, il part à leur rencontre, trouve la Samaritaine près du puits de Jacob, se fait inviter par des publicains, tel Matthieu, et se laisse oindre et baiser les pieds par une femme repentie; à la table de son Royaume, les commensaux seront précisément les " pauvres, paralytiques, aveugles et boiteux " (Lc 14, 21) alors que les qumranites s'engageaient, en entrant dans la communauté, à " aimer tous les fils de la lumière... et à haïr tous les fils des ténèbres ", et leur règle refusait l'admission des " insensés, fous, sots, aveugles, paralytiques, boiteux, sourds et mineurs ".