Alain
Archidec
Car
le Seigneur, l'Eternel, ne fait rien sans avoir révélé
son secret à ses serviteurs les prophètes. Amos
3 : 7.
Un
besoin éternel de l'homme connaître l'avenir
Connaître
l'avenir, c'est le vieux rêve des hommes de tous les temps
de tous les pays. Des prêtres chaldéens qui interrogeaient
les astres et les entrailles des victimes sacrées aux sibylles
et aux pythies qui ornent encore aujourd'hui les vitraux de nos
cathédrales, de nombreux témoins attestent cette
soif de connaître l'avenir. L'avènement du christianisme
supprima certaines formes de divination et paradoxalement en développa
d'autres que nous pratiquons encore aujourd'hui, dans notre 20e
siècle rationaliste et matérialiste. Des papes et
des rois très chrétiens s'adonnèrent très
souvent à l'astrologie. Qui n'a entendu parler des fameuses
Centuries de Nostradamus dont les décasyllabes hermétiques
défient encore la sagacité des interprètes
? Nos journaux à grand tirage dont les rédacteurs
savent bien ce qui passionne le grand public, attestent la permanence
de ce rêve millénaire des hommes et publient le portrait
de nos mages modernes qui, quelquefois, n'hésitent pas
à confier aux ordinateurs le complexe déchiffrement
de votre thème astral. Une enquête de 1971 révélait
que 30000 cabinets de voyants dont 10000 à Paris feraient
un chiffre d'affaires d'environ 1 milliard de francs.
La
prophétie biblique
Phénomène
unique, que l'on ne peut comparer à aucune autre prédiction
humaine, la prophétie biblique est lumineuse, précise
en ses détails. Elle ne saurait se prêter à
des interprétations fantaisistes diverses. Déjà
il y a vingt-huit siècles, le bouillant prophète
Esaïe lançait ce défi aux idoles païennes
Quelles
sont les prophéties que jadis vous avez faites? Dites-le
pour que nous en constations l'accomplissement et que nous sachions
si vous êtes des dieux! (1)
Ce
défi énergique, la Bible seule peut le relever.
Comme l'annonçait l'apôtre saint Pierre, c'est poussés
par le Saint-Esprit que les prophètes ont parlé
: la troublante confrontation de leur texte avec l'histoire ultérieure
en confirme la bouleversante exactitude. Si vraiment la Bible
contient des prédictions claires et non équivoques
que les faits historiques sont venus confirmer après coup,
alors il faudra bien avouer qu'elle est d'origine surnaturelle
comme elle le prétend. Chemin faisant, nous aurons découvert
d'étranges civilisations disparues et vécu quelque
peu l'excitante aventure des découvertes archéologiques.
Tyr,
la reine des mers
Située
sur la côte de la Méditerranée, au nord de
la chaîne du Carmel, Tyr, capitale de l'Empire phénicien,
était l'une des cités les plus florissantes de l'Antiquité
: elle était alors appelée la reine des mers, célèbre
par son commerce maritime, ses richesses, ses colonies, parmi
lesquelles Carthage promise au prestigieux avenir que l'on sait.
Ses navigateurs habiles et ses commerçants hardis faisaient
sa force. De Tyr partaient vers tous les rivages de la Méditerranée
des navires chargés de tissus teints de pourpre dont se
paraient les reines, de poteries, de verroteries diverses. Les
habitants de Tyr étaient passés maîtres dans
l'art du verre et c'est, dit-on, sur les sables féconds
de leur rivage que cette artistique et lucrative industrie fut
inventée.
Les archéologues ont retrouvé et identifié
le cénotaphe du célèbre Hiram qui régna
sur la ville au temps de David et de Salomon et entretint fort
longtemps avec le peuple élu un abondant commerce d'objets
divers et, entre autres, de ce bois précieux qui servit
à la construction du premier temple de Jérusalem,
gloire d'Israël. Ceci se passait dix siècles avant
Jésus-Christ. Mais la fondation de Tyr serait bien plus
ancienne, et si l'on en croit un texte d'Hérodote il toute
vraisemblance le prophète faudrait la situer vers les années
inspiré osait écrire 2750 avant Jésus-Christ
(2).
La dispensatrice des couronnes dont les marchands étaient
des princes comme Esaïe nous l'assure (3), Tyr, la reine
des mers, s'estimait elle-même imprenable. En vérité,
elle avait quelque raison de se croire inviolable. Le puissant
roi de Babylone, Nebucadnetsar, également connu sous le
nom de Nabuchodonosor, réduisit sans peine les résistances
de Jérusalem et déporta ses habitants, réduits
à la triste condition d'esclaves. En 586, il avait fait
décapiter en présence de leur père les propres
enfants de Sédécias, le malheureux roi de la cité
sainte auquel, sur l'ordre du tyran, on avait ensuite odieusement
crevé les yeux. Mieux encore, le fils du vainqueur de Ninive
tint en échec la millénaire puissance de l'Egypte
: n'avait-il pas tué le Pharaon Nécao en 605, à
la bataille de Karkémish ? Et pourtant le terrible lion
babylonien dut renoncer à dévorer la ville de Tyr
et, finalement, leva un siège de treize ans qui avait duré
de 585 à 573 av. J.-C. On traita : Tyr paya tribut, mais
resta relativement indépendante et vit prospérer
son commerce (4).
Voyant dans la chute de Jérusalem et la déportation
de ses habitants l'avantageuse disparition d'une rivale, Tyr,
qui ne craignait rien, se réjouit de ce désastre.
Le prophète Ezéchiel, qui écrivit ces lignes
en exil, s'est fait l'écho des railleries de Tyr, mais
il nous a laissé également un terrible oracle et,
en 586 (5), contre toute vraisemblance le prophète inspiré
osait écrire :
Fils de l'homme, parce que Tyr a dit sur Jérusalem :
Ah!
Ah! Elle est brisée, la porte des peuples! (6)
On se tourne vers moi,
Je me remplirai, elle est déserte
A cause de cela, ainsi parle le Seigneur, l'Eternel:
Voici, j'en veux à toi, Tyr!
Je ferai monter contre toi des nations nombreuses,
Comme la mer fait monter ses flots.
Elles détruiront les murs de Tyr,
Elles abattront ses tours,
Et j'en raclerai la poussière; Je ferai d'elle un rocher
nu; Elle sera dans la mer un lieu où l'on étendra
les filets;
Car j'ai parlé, dit le Seigneur, l'Eternel. Ezéchiel
26.2-5.
La
prophétie, comme on le voit, est claire et sans équivoque
et ne souffre guère plusieurs interprétations. Elle
annonçait hardiment
1. Que la ville serait complètement détruite;
2. Que ses maisons, ses pierres, sa poussière 'même
seraient jetées à la mer;
3. Qu'elle deviendrait un rocher nu sur lequel les pécheurs
étendraient leurs filets, symbole combien parlant de son
complet anéantissement.
Quand
l'histoire confirme les prophéties
Les
babyloniens n'étaient que l'une des " nations nombreuses"
qui devaient monter contre la ville. Néanmoins la prophétie
avait annoncé leur assaut redoutable et le verset sept
du même chapitre nomme expressément Nebucadnetsar
qui investit l'antique cité. Il pilla sans difficulté
l'ancienne Tyr, que les historiens appellent la Palaetyros, établie
sur le rivage et presque sans défense, mais, habiles navigateurs
souverains sur la mer, les Tyriens se replièrent sur leur
ilôt rocheux situé au large de la côte : ils
défiaient ainsi le monde entier. Ne pouvant rien contre
leur incontestable suprématie maritime, malgré ses
ailes d'aigle et son féroce appétit, le lion mésopotamien
dut renoncer aux prestigieuses richesses qui ne cessaient d'affluer
sur l'ilôt convoité, mais imprenable dans l'orgueil
de ses flots. Cet échec retentissant devant la Tyr insulaire
rendait la prophétie d'Ezéchiel d'autant plus improbable.
Tyr se riait du potentat babylonien : payer tribut, c'était
l'éclabousser de son luxe insolent. Après avoir
annoncé le rude assaut mené par Nebucadnetsar contre
la Palaetyros (Ezéchiel 26 : 7), le prophète rapportait,
non sans une certaine ironie, la déception du roi de Babylone
:
Fils
de l'homme, dit Dieu au prophète, Nebucadnetsar, roi de
Babylone, a fait faire à son armée un service pénible
contre Tyr.
Et
il ajoutait, décrivant avec un savoureux réalisme
cette demivictoire qui ressemblait à un échec cuisant
:
Toutes
les têtes sont chauves, toutes les épaules sont écorchées;
et il n'a retiré de Tyr aucun salaire, ni lui, ni son armée,
pour le service qu'il a fait contre elle. Ezéchiel 29.18.
Pourtant
la prophétie annonçait la chute radicale de la ville
et devait s'accomplir intégralement. Deux siècles
et demi plus tard, en 332, le vainqueur du Granique et d'Issus
dont l'inflexible épée trancha le noeud gordien,
devait couper court d'aussi prompte façon, à la
difficulté de tactique militaire que Nebucadnetsar n'avait
pu résoudre avant lui en treize ans d'efforts mal payés.
II dressa contre la ville un siège qui devait durer...
sept mois! II réduisit sans peine la Tyr continentale,
et les Tyriens, comme toujours en pareille circonstance, se retirèrent
sur leur ilôt rocheux d'où ils narguaient le monde
entier. Ils n'avaient pas compté avec le génie du
jeune conquérant d'Arbèles qui, aidé par
des navires sidoniens et chypriotes, fit construire par ses hommes
une jetée de soixante mètres de large pour relier
l'île à la côte. Les murs, les tours, les pierres,
le bois trouvés sur l'emplacement de l'ancienne Tyr continentale
furent littéralement, comme la prophétie d'Ezéchiel
l'avait annoncé, jetés au milieu des flots et liés
par des débris et de la terre damée et tassée.
La jetée ainsi constituée a profondément
modifié le tracé du rivage du fait de l'ensablement
ultérieur et le rocher de Tyr est devenu aujourd'hui une
sorte de cap tourné vers le large. Les touristes du 20e
siècle se promènent sur le promontoire construit
par Alexandre et jonché de colonnes et de chapiteaux. On
peut voir au bord des eaux, à demi immergés, les
restes des énormes matériaux inemployés qui
jonchent le rivage, frontons et colonnes des temples de Baal Melkarth,
le dieu de Tyr, le dieu de la terrible Jézabel, femme d'Achab.
Son audacieuse jetée terminée, Alexandre lança
ses armées avec leur formidable matériel à
l'assaut de la ville qui ne put lui résister. Habitués
aux combats terrestres, ses soldats mirent à sac la prestigieuse
cité qui fut brûlée. Si 15000 personnes réussirent
à déserter et à s'enfuir par bateau, 8000
furent massacrées, 2000 sauvagement crucifiées à
titre d'exemple et 30000 au moins conduites en esclavage.
Ainsi la reine des mers s'abîma dans le désastre
que le prophète avait annoncé deux siècles
et demi auparavant avec une stupéfiante précision.
Dieu
a parlé
Les
fouilles des archéologues ont mis à jour le four
du verrier avec ses scories que l'on s'étonne de trouver
froides tant ces vestiges d'une industrie prospère sont
bien conservés. Du village moderne de Sour, tout voisin,
des pêcheurs, depuis des siècles, viennent faire
sécher leurs filets sur le rocher nu de l'ancienne Tyr
et ne savent peut-être pas qu'ils accomplissent par ces
gestes familiers pleins de soleil et d'humble poésie, une
prophétie vieille de 2500 ans. Car la bouche de l'Eternel
a parlé, comme disait en son temps le prophète Esaïe
lorsqu'il scellait de ces mots les oracles divins. Cent fois confirmée
par l'histoire, la prophétie biblique devient ainsi pour
nous le témoignage irrécusable et providentiel d'une
sagesse toute divine.
(1) Esaïe 41.22, 23.
(2) Histoires, 2, 44.
(3) Esaïe 23.8.
(4) Nous savons par Flavius Josèphe (Cont. Apion. I, 21
) que le siège de Tyr dura treize ans. Avec Jérusalem,
le Pharaon Hophra, également connu sous le nom d'Apriès,
avait soulevé les Phéniciens contre Nebucadnetsar
qui, de son quartier général de Ribla, au pays de
Hamath (Jérémie 39 : 5), dirigeait en même
temps les opérations contre Jérusalem et contre
Tyr. Jérusalem tomba relativement vite après dix-huit
mois de siège (Jérémie 39.1, 2). Mais Nebucadnetsar
dut composer avec Tyr et Ithobaal III conserva sa couronne à
titre de vassal de l'Empire chaldéen et paya tribut. Cependant,
comme l'indique Cheminant (Les prophéties d'Ezéchiel
contre Tyr, Letouzey, 1912, p. 113-116), le début de la
décadence de Tyr date de ce siège mémorable.
(5) Les textes d'Ezéchiel sont datés d'après
leur proclamation au cours de la captivité à Babylone
du roi de Jérusalem, Jojakin, déporté en
Mésopotamie par Nebucadnetsar. La célèbre
prophétie sur Tyrdate de la onzième année
de cette déportation qui eut lieu vers la fin de l'année
597 av. J.-C. L'authenticité du livre d'Ezéchiel
n'est guère contestée et la plupart des critiques
attribuent au prophète lui-même l'ordre actuel du
recueil qui porte son nom. Signalons à cet égard
l'excellente introduction de la Bible Pirot (Letouzey et Ané,
1946, t. VII, p. 459-465) qui fait le point de la critique scientifique
du livre. On peut également se reporter à J. Renié,
(Manuel d'Ecriture Sainte, Vitte, 1946, t. III, p. 174 et sqq)
ainsi qu'à Lucien Gautier, (Introduction à l'Ancien
Testament, Lausanne 1914, t. I, p. 452, 453), qui déclare:
" Pour la quasi-unanimité des critiques, l'authenticité
du livre d'Ezéchiel demeure assurée. "
(6) Jérusalem était eneffetuneétapeimportantesur
la route des caravanes et, déjà au tempsde Salomon,
presque tout le commerce venant d'Arabie et d'Egypte passait par
ses portes.
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