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LA SAINTE ALLIANCE CONTRE LE COMMUNISME

La blessure de la deuxième guerre mondiale n'est pas prête de se cicatriser. De la sainte-alliance qui voit œuvrer Jean-Paul II et Ronald Reagan dans leur lutte contre le communisme à la révision de l'histoire parle responsable actuel de l'Eglise slovaque en passant par les récriminations des communautés juives de Hongrie sur le rôle joué par l'Eglise sous le nazisme, l'actualité se charge de réveiller la mémoire collective. Bref rappel historique des relations Vatican/Etats-Unis d'Amérique.

Les relations diplomatiques entre le Vatican et Washington ne datent pas d'hier. Boudé au lendemain de la première guerre mondiale par le président Wilson, le Saint-Siège saura gagner la confiance de Roosevelt. De cette période date une longue coopération, qui deviendra surtout effective après la seconde guerre mondiale et au cours de la guerre froide. Gelée dans les années 60-70, elle reprendra avec l'avènement de Jean-Paul II. Anticommunisme oblige!

Le président Ronald Reagan et le pape Jean-Paul II étaient seuls dans la bibliothèque du Vatican, ce lundi 7 juin 1982. C'était la première fois qu'ils se rencontraient. L'entretien dura cinquante minutes. Dans le même bâtiment des appartements pontificaux, le cardinal Agostino Casaroli et l'archevêque Achille Silvestrini rencontraient le secrétaire d'Etat Alexandre Haig et le juge William Clark, conseiller de Reagan pour la sécurité nationale.
Selon les révélations du Times1, c'est au cours de cette rencontre que le pape et Reagan se mirent d'accord pour mettre sur pied une campagne secrète afin de précipiter la dissolution de l'empire communiste. Aux dires de Richard Allen, premier conseiller de Reagan pour la Sécurité nationale : " Ce fut une des alliances les plus secrètes de tous les temps. "
Cette rencontre à huis clos scellait aussi les retrouvailles entre l'administration américaine et le Vatican, dont les relations avaient été quelque peu gelées sous le pontificat de Paul VI, à cause de l'ostpolitik (l'ouverture à l'Est) pratiquée par Mgr Casaroli.

L'Europe de l'Est a toujours constitué pour le Vatican un terrain de prédilection où devait triompher l'ordre moral chrétien. Dans cette lutte, le Saint-Siège pouvait compter sur l'aide efficace des Eglises locales. Dans son Histoire des démocraties populaires, François Fejtö écrit : " Les Eglises, surtout l'Eglise catholique, en Hongrie, en Croatie, en Slovaquie et un peu moins en Pologne, étaient attachées à leurs privilèges de caractère médiéval. Les hauts dignitaires des Eglises étaient solidaires des anciennes classes privilégiées dont ils faisaient partie par naissance ou par assimilation. Les régimes autoritaires d'avant-guerre : ceux de Horthy en Hongrie, des colonels en Pologne, des rois dictateurs en Roumanie, en Bulgarie, en Yougoslavie, pouvaient compter sur l'appui des églises pour maintenir l'ordre social et combattre l'esprit "séditieux"... En 1939 et en 1941, le Vatican ne vit pas sans plaisir se fonder, sur les ruines de la Tchécoslovaquie hérétique et de la Yougoslavie à prépondérance orthodoxe, des petits Etats fascistes mais favorables à l'influence de l'Eglise. Mgr Tisot ne fut jamais désavoué par le Saint-Siège, pourtant beaucoup de Tchèques et de Slovaques l'ont considéré comme un traître. "
Avec l'effondrement du IIIe Reich, le Vatican en étroite collaboration avec les services secrets américains allait mettre en place des filières d'évasion pour les réfugiés anti-communistes mais aussi pour les nazis en fuite (voir nos articles sur les filières vaticanes).
Avant même que ne commence réellement la guerre froide, le Vatican installera des organisations anticommunistes d'émigrés sur le territoire de l'Eglise. Des criminels de guerre pouvaient y disposer des émetteurs afin de s'adresser aux populations de leur pays d'origine. De véritables centres de formation pour agitateurs en exil furent mis sur pied par différents ordres religieux. Un des exemples le plus typique est celui des jésuites dont l'école de Bressanone comprenait des élèves hongrois, polonais et slovaques.
Le pontificat de Jean XXIII mettra un frein à ces activités. Encourageant la politique de détente entre les deux superpuissances, il se démarquera de l'administration américaine. Ainsi le 7 mars 1962, il recevra en audience privée la fille de Khrouchtchev. Lors de la crise de Cuba, le pape écrira personnellement à Khrouchtchev pour le conjurer de retirer ses missiles. A la Noël qui suivit, Khrouchtchev lui envoya un message très amical. Cette politique d'ouverture à l'Est se poursuivra sous Paul VI, grâce à l'impulsion de Mgr Casaroli, le secrétaire d'Etat. Les relations avec la Maison-Blanche deviendront distantes, mais resteront courtoises. Le Vatican voulant se ménager les démocraties populaires dans le dessein d'asseoir la position de l'Eglise catholique dans ces pays.
Les années 1980 allaient amorcer une nouvelle lune de miel entre le Saint-Siège et la Maison-Blanche. Quoi de plus logique pour un président (Ronald Reagan) anticommuniste primaire de coopérer avec un pape polonais (Jean Paul II). Outre leur obsession commune de réparer " l'erreur de Yalta ", ils étaient tous deux convaincus que Dieu les avait épargnés pour remplir une mission spéciale (en 1981, à six mois d'intervalle, ils avaient l'un et l'autre échappé à des tentatives d'assassinat). Selon William Clark, conseiller pour la sécurité nationale, le pape et Reagan " partageaient les mêmes vues spirituelles et une même vision de l'empire soviétique : le droit et le bien seraient finalement triomphants, selon les plans de Dieu ".
L'instauration de la loi martiale en Pologne en décembre 1981, les décidèrent à unir leurs efforts pour maintenir le mouvement Solidarnosc en vie. Ils espéraient ainsi faire pression sur Varsovie, mais aussi libérer l'ensemble de l'Europe de l'Est de l'emprise soviétique. L'administration américaine considérait alors la relation entre les États-Unis et le Vatican comme une sainte-alliance : il s'agissait pour eux de lier l'autorité morale du pape et les préceptes de l'Église à leur anticommunisme intransigeant et à leur idée de démocratie américaine. Le cardinal Casaroli déclara quant à lui :
" Il y avait une réelle convergence d'intérêts entre les Etats-Unis et le Vatican. "
Les structures dont disposait le Vatican en Pologne intéressait au plus haut point Washington. Le général Haig déclarera à ce sujet : " Le système d'information du Vatican était le meilleur et plus rapide que le nôtre. Même si nous disposions nous-mêmes d'excellentes sources, l'information mettait trop de temps à transiter par la bureaucratie de nos services secrets. "
Ce travail de sape obligera progressivement les autorités communistes de Varsovie à s'incliner devant les pressions tant économiques que morales, exercées par Jean-Paul II et Ronald Reagan. Le 19 février 1987, après que Varsovie se fut engagé à ouvrir le dialogue avec l'Eglise, Ronald Reagan leva l'embargo imposé à la Pologne. Quatre mois plus tard, Jean-Paul II, acclamé par des millions de ses concitoyens, effectuait une tournée à travers le pays, exigeant le respect des droits de l'homme et louant l'action de Solidarnosc.
En s'alliant avec le leader du "monde libre", Jean Paul II allait mettre un frein aux activités pacifiques de certains évêques américains, comme Mgr Hunthausen (archevêque de Seattle). Leur opposition notamment à la prolifération des armes atomiques gênait la politique anticommuniste du Vatican.

Repris avec l'aimable autorisation de Golias.
Golias n° 29 - printemps 1992, p. 247-248.











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