LES FILIERES VATICANES

DOSSIER GOLIAS

SIMON WIESENTHAL : "OUI, LE VATICAN SAVAIT !"

La Repubblica : Vous avez demandé au Vatican d'ouvrir ses archives. Quelles sont selon vous la responsabilité de l'Eglise ?
Simon Wiesenthal : La "voie romaine" était le mot d'ordre qui circulait parmi les nazis lorsqu'ils étaient encore dans les camps de prisonniers alliés. Au Vatican les nazis avaient beaucoup de protecteurs, le cardinal Siri par exemple. C'est son secrétaire qui procura au docteur Megele des documents de la Croix-Rouge pour lui permettre de rejoindre sans encombres Buenos Aies. Les nazis pouvaient aussi compter sur l'aide de l'évéque allemand Aloïs Hudal. Celui-ci a d'ailleurs tout raconté dans un mémoire publié en 1976. Otto Waechter, gouverneur, de la Galice, responsable de la mort de centaines de milliers de juifs, décéda en 1949 au couvent dell'Anima di Castelgandolfo. Franz Stangl, le commandant de Treblinka, que nous avons découvert au Brésil, et qui travaillait pour Wolkswagen, raconta au cours de son procès comment de couvent en couvent depuis Rome, il avait rejoint Beyrouth où l'attendait sa femme pour partir avec lui au Brésil. Les criminels de guerre nazis en transit étaient accueillis dans un couvent en Sicile. Ils étaient présentés comme réfugiés communistes (Eichmann figurait par exemple comme réfugié croate). C'est la Caritas qui payait leur billet de voyage.

- Savait-elle vraiment pour qui elle finançait ?
- I1 n'est pas dans mes habitudes d'accuser quelqu'un sans en avoir la preuve. La Caritas ne savait probablement jamais. L'organisation clandestine nazie s'adressait aux commissions qui furent créées par le Vatican, à la fin de 1947, pour venir en aide aux réfugiés qui fuyaient le communisme (Polonais, Slovaques, Croates, Hongrois...). Mais le Vatican savait, les prélats voyaient presque toujours les deux documents, le vrai et le faux. N'oubliez pas que l'Église avait alors deux ennemis : le marxisme et le communisme. Elle avait tout d'abord espéré que le premier fasse disparaître le second. Avec les nazis elle conclura un concordat, en comptant par la suite sur un pacte. C'est cela la raison du silence du pape. Seulement en 1944 lorsqu'il comprit que les nazis avaient perdu la guerre, le pontificat changea d'attitude et permis que l'on aide les juifs hongrois.

Extrait de La Repubblica du 14/2/92, page 11

Traduction JB. et CT.

Repris avec l'aimable autorisation de Golias.
Golias n° 29 - printemps 1992, p. 238.

ERRRT