LES FILIERES VATICANES

DOSSIER GOLIAS


LES FILIERES VATICANES

En résumé

Avec l'effondrement du IIIe Reich, l'alliance tactique entre les bourgeoisies occidentales et le bolchevisme n'avait plus de raison d'être. Le communisme devenant l'ennemi public n° 1, les Occidentaux trouvèrent dans les anciens agents du parti nazi (Gestapo, SS...), des techniciens aguerris dans la lutte anti-communiste.
Ainsi s'expliquent l'abandon prématuré des programmes de dénazification en Allemagne et la clémence des tribunaux alliés envers les criminels de guerre nazis. Avec les débuts de la guerre froide, cette clémence se transformera en 1947, en une complicité quasi ouverte. De nombreuses filières d'évasion vont se mettre en place, pour soustraire les bourreaux nazis à la justice alliée ("Odessa", organisation des anciens SS ; "Araignée, Aide silencieuse").
Le rôle que jouera l'Eglise catholique dans l'aide apportée aux anciens nazis sera loin d'être négligeable. L'organisation des "filières vaticanes" avaient fait l'objet, dans les mois qui précédèrent la fin de la guerre, de longues tractations entre des hauts fonctionnaires du Saint-Siège et des émissaires de Martin Bormann, le bras droit d'Hitler.
Parmi les représentants du Vatican, on pouvait noter la présence de Mgr Gian Battista Montini qui occupait alors la charge de sous-secrétaire d'Etat. Jusque dans les années 1950, le futur pape Paul VI jouera un rôle politique extrêmement important de conseiller occulte des services secrets américains et de la démocratie chrétienne italienne dans la lutte contre les communistes.
C'est lui qui supervisera une grande partie des opérations qui permettront à des milliers de réfugiés dont nombre de criminels de guerre nazis de fuir vers l'Amérique du Sud. L'élément pivot de celle organisation est la 2e Division du secrétariat d'Etat chargé des affaires internationales, dont dépendait le bureau des réfugiés du Vatican. Cette institution délivrera - entre autres - à plusieurs milliers de fugitifs nazis les certificats d'apatride ou "de personne déplacée" qui leur permirent de se réfugier en Argentine en toute légalité. C'est ce même service qui émettra des passeports réguliers du Vatican destinés à une poignée de hauts dignitaires nazis qui revêtirent la soutane pour l'occasion. Parmi ces dignitaires on peut noter les noms d'Adolph Eichemann, de Klaus Barbie, d'Ante Pavelic, de Hauss Heffelman et de Walter Rauff, l'inventeur des fourgons à gaz. Ce dernier, sous la protection du cardinal Siri (l'évêque de Gênes), l'un des hommes forts de la Curie romaine pourra ouvres en juin 1945,à Gênes, un bureau d'accueil pour les fugitifs nazis. Pendant quatre ans, plus de 5 000 agents de la Gestapo et de la SS prendront le large pour rejoindre des cieux plus cléments en Amérique latine (vote plus haut les déclarations du Centre Wiesenthal). Mais deux autres filières vaticanes fonctionnaient : l'allemande et la croate.

La soutane-connection : la Vatikanische Hilfslinie

De 1947 à 1953,1a Vatikanische Hilfslinie, une des filières vaticanes, allait constituer l'un des itinéraires les plus sûrs et les mieux organisés entre l'Allemagne et les zones d'accueil au-delà des océans. C'est à partir de documents confidentiels que l'on a pu reconstituer les différentes étapes que durent suivre les nazis recherchés.
Au départ est un garde-forestier de la région de Lueneburger Herde qui assure la liaison entre les candidats à l'expatriation et les institutions religieuses. L'une d'elles, l'Evangelisches Hilfswerke, a son siège à Hambourg. Chaque "réfugié" doit verser une contribution de 300 marks et reçoit les consignes suivantes :
1°) à Kufstein (Autriche) s'adresser au père supérieur du couvent des jésuites ;
2°) à Innsbruck, demander le propriétaire d'un certain garage ;
3°) au col du Brenner, voir un tel dans tel village ;
4°) à Bolzano, en Italie, s'adresser au docteur Franz Poppizer, professeur d'histoire et de latin, qui délivrera les cartes d'identité italiennes et sud-américaines. Logement au couvent des franciscains ;
5°) à Gênes, le couvent des franciscains ;
6°) à Gênes également, 38 via Albano, délivrance de certificats médicaux (requis par les autorités argentines), après examen médical par une commission argentine qui s'occupe de l'immigration d'ouvriers italiens ;
7°) à Belgrano, Argentine, accueil au Mont Salvae. Dans ce couvent les fugitifs trouvaient toute l'aide nécessaire pour le début de leur séjour. I1 leur était ensuite facile de prendre contact avec l'une des organisations nazies implantées en Argentine ou de poursuivre leur voyage s'ils avaient décidé de s'installer dans un autre pays.
Ces évasions massives n'auraient pu se faire sans la complicité d'organismes apparemment irréprochables. Et l'on ne manquera pas d'être surpris de voir figurer parmi ces complices la Croix-Rouge : de nombreux fonctionnaires de cet honorable institution (Allemands et Italiens, notamment), apportèrent une aide très efficace pour le franchissement des frontières.
D'autre part, il est étonnant de constater que des institutions religieuses telles que les Caritas, les jésuites ou les franciscains aient pu ouvrir monastères et couvents aux nazis en fuite. Le fait peut s'expliquer par plusieurs raisons : tout d'abord, les nazis surent très habilement exploiter l'esprit de charité des religieux ; mais bien avant la guerre d'excellentes relations existaient déjà ente les dirigeants nationaux-socialistes et ce que l'on a appelé le "parti allemand" du Vatican devenu très influent depuis l'accession de Pie XII au pontificat.
La charité chrétienne est hautement respectable, mais était-il vraiment charitable dans le sens le plus large du terme, de soustraire à la justice des bourreaux tels que Martin Bormann, Henrich Müller ou Adolph Eichmann ?

Luc Terras

Repris avec l'aimable autorisation de Golias.
Golias n° 29 - printemps 1992, p. 242-243.

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