L'OR DU VATICAN

"Le pape accepta et ouvrit la porte à la spéculation sur les monnaies et au jeu sur les marchés boursiers, ce qui comprenait l'acquisition d'actions de sociétés dont les produits n'étaient guère compatibles avec l'enseignement catholique. Des articles comme des bombes, des chars d'assaut, des fusils, des contraceptifs pouvaient bien être condamnés en chaire, les actions que Nogara achetait pour le Vatican, représentant des sociétés qui fabriquaient ces articles, contribuaient à remplir les coffres de Saint-Pierre."

David Yallop, Au nom de Dieu, 1984, p. 134.

OR NAZI : LA VERITE HISTORIQUE RECLAME SA PART

À Londres les débats, souvent très vifs, sans avoir ni retracé le chemin de l'or nazi, ni résolu les problèmes de sa redistribution, a sans doute fait progresser le droit des victimes et entamé bien des certitudes idéologiques.
Les documentalistes des archives américaines vivent un stress permanent depuis des mois, qui en pousse certains vers la dépression. C'est à une véritable bataille, une course à l'information, que se livrent les chercheurs du Congrès Juif Mondial (CJM), de la commission Bergier (groupe d'experts indépendants commis par le gouvernement suisse et dont l'historien Jean-François Bergier assure la coordination) et les experts de l'Association des Banques suisse. Chaque groupe essaye de savoir sur quels documents les autres travaillent, où ils en sont, quelles pistes ils suivent. Les documentalistes sont soumis à une pression jamais ressentie, qui témoigne de l'importance de l'enjeu.
Le voile de la mémoire reconstruite se déchire, l'éclat de l'or apparaît, le spectre de l'horreur ressurgit, toujours plus présent, l'honneur des nations se couvre d'une sale gangue de mensonges; de petits arrangements avec la morale, avec la mort des autres, se font jour.
Les délégations de 41 pays, qui se sont réunies du 2 au 4 décembre pour essayer de retracer le chemin de l'or pillé par l'Allemagne nazie dans les pays occupés, ont dû arpenter bien d'autres voies.
La mécanique nazie était simple. Dès janvier 1939, le président du directoire de la Reichbank prévenait Hitler: "Il n'y a plus de réserves, ni de devises à la Reichbank. Les réserves constituées par l'annexion de l'Autriche sont épuisées et les finances du IIIème Reich au bord de l'effondrement".
Lorsque l'Allemagne se lance à l'assaut de la Pologne, de la Tchécoslovaquie, de la Belgique, de la France, les Devisenschutzkomandos (commandos de protection des devises) pillent les banques centrales, les caisses d'épargnes, des banques privées, des joailleries, saisissent les biens des particuliers. Le nerf de la guerre se trouve là.
La Belgique, qui avait confié ses réserves d'or à la France avant l'occupation nazie, se fait tout de même voler l'équivalent actuel de 26 milliards 784 millions de FB et de 2 milliards 700 millions de FB en devises. Au Pays-Bas, le "commando de protection des devises" met la main sur 100 tonnes d'or puisées dans les coffres de la Banque nationale. L'or des Belges, qui a rejoint en France l'or des Luxembourgeois, des Norvégiens, des Lettons, des Lituaniens, des Tchèques, sera l'enjeu d'une extraordinaire course poursuite.
L'itinéraire de l'or belge
Le gouvernement de Vichy se met aussitôt au service du Reich et tente de retrouver cet or, qu'il croit en France. En fait, le 18 juin 40, une escadre a levé l'ancre pour emporter ces 288 tonnes d'or à destination du continent africain, au Sénégal. Des bateaux anglais auraient dû convoyer l'or aux États-Unis, mais ils n'étaient pas au rendez-vous. Après un invraisemblable périple à travers toute l'Afrique, cet or arrive à Berlin le 26 mai 1942.
En septembre 1946, une commission tripartite (France, Grande-Bretagne, États-Unis) est mise en place, afin d'étudier les demandes de restitution de l'or monétaire des différents gouvernements. Jusqu'à ce jour, 337 tonnes d'or ont été restituées aux États, soit 98% de l'or récupéré. On comptait qu'un tiers de l'or nazi avait disparu.
En mai 1996, sort aux Etats-Unis le rapport Eizenstat, qui pose la question de la responsabilité de la Suisse dans l'affaire de l'or nazi. Pour le secrétaire d'État américain au Commerce, une partie de l'or redistribué n'est pas monétaire, mais a été arraché aux victimes de la Shoah.
Lundi 1er décembre, la commission Bergier confirmait le rôle central de la Suisse, qui a permis à la Reichbank de réaliser 76% des transactions sur l'or pendant la guerre. Les experts notaient que les banques privées helvètes avaient acquis jusqu'en 1945 pour 61,2 millions de dollars actuels d'or auprès de la Reichbank, soit trois fois plus que ce que révélaient les estimations antérieures. Ce chiffre peut paraître modeste au regard des 4 milliards de dollars d'or achetés à l'Allemagne nazie par la Banque Nationale Suisse.
Souhaitant apaiser l'orage médiatique qui s'abattait sur elle, la Banque Nationale Suisse, au vu des chiffres, vérifiés, du volume des transactions, a versé 100 millions de francs suisses à un fonds spécial en faveur des victimes de la Shoah.
Depuis que les différents groupes de "chercheurs" enquêtent tous azimuts, le paysage bancaire helvétique ne cesse de s'obscurcir. Ainsi, l'on a appris qu'en mai 1945, la Banque Nationale Suisse avait vendu à l'Espagne des lingots frappés de la swastika, provenant du pillage des banques belges et néerlandaises.
L'itinéraire suivi par l'or arraché aux victimes des camps de la mort est encore mal connu; le journal autrichien Standard estimait récemment qu'il avait surtout profité aux banques allemandes.
Le rôle du Vatican
La délégation du Vatican venue à la conférence de Londres, sous la pression internationale, s'est vue réclamer par le représentant des Tziganes des explications concernant le "trésor oustachi", qui aurait été remis au Vatican par Ante Pavelic. Une partie de ce trésor, amassé par le leader fasciste croate, provenait des biens de 28.000 Tsiganes assassinés dans le camp de Jasenovac, administré notamment par des prêtres.
En juillet, le Sunday Telegraph avait déjà accusé le Vatican d'avoir utilisé l'or, que les nazis auraient remis à Pie XII, pour favoriser la fuite des criminels de guerre vers l'Amérique latine.
Le Vatican a toujours démenti cette version. Le Congrès Mondial Juif a également demandé l'ouverture des archives du Saint-Siège. À cette demande, régulièrement formulée, le Vatican répond que les "conditions matérielles de sécurité ne permettent pas une telle consultation". Il est pourtant d'usage que les archives soient ouvertes, pontificat, par pontificat, et Pie XII est mort en 1958.
La conférence de Londres a pris rapidement un ton très polémique. En ouverture des débats, le Congrès Juif Mondial demandait que soient ouvertes immédiatement les archives de la commission tripartite qui avait procédé à redistribution de l'or pillé par les Allemands.
Américains, Français, Britanniques ont refusé d'une même voix, estimant que cela ne pouvait être fait qu'une fois que le reliquat des 5,5 tonnes d'or restantes serait distribué.
Les Ukrainiens, de leur côté, au nom des souffrances subies par leur peuple, demandèrent de bénéficier de l'argent provenant du fonds d'intervention internationale, dont le ministre britannique des Affaires étrangères avait proposé la création en début de séance. Lord Janner, membre de la commission britannique, s'emportait, en déclarant que "les Ukrainiens avaient participé à l'extermination des Juifs".
En fait, la conférence de Londres et son climat passionné ont prouvé que les comptes de la Deuxième Guerre mondiale et de l'holocauste étaient loin d'être clos, et se trouvaient de nouveau l'objet d'enjeux politiques et idéologiques. En cette fin de siècle, l'Histoire réclame sa part de vérité et celle-ci est très difficilement négociable.


Alain Van Der Eecken.