SECTION III. - Evidences des Écritures.
§ 52. Considérations générales. - Jusqu'ici nous nous sommes contentés d'indiquer, en les développant et en en faisant ressortir les traits caractéristiques, les témoignages que l'Ecriture elle-même rend à sa propre autorité. D'autres témoignages, plus nombreux, indirects peut-être , mais par cela même plus forts pour certaines intelligences, peuvent être invoqués - le plan de cet ouvrage ne nous permet pas de nous y arrêter longuement; nous ne pouvons que les indiquer, en renvoyant aux ouvrages spéciaux pour les développements nécessaires.
On a déjà vu que les divers livres de l'Ecriture-Sainte sont authentiques , c'est-à-dire qu'ils ont été écrits par les auteurs dont ils portent les noms. En toute autre matière cette preuve ne prouverait rien de plus ; mais dans le cas actuel la preuve de l'authenticité est aussi une preuve de la vérité. Si les récits sont authentiques ils ne peuvent qu'être vrais. Les livres qui rapportent ces faits sont cités et copiés comme livres historiques; ils ont été reçus comme tels, pendant que plusieurs de ceux dont ils rapportent les faits et gestes vivaient encore. La Palestine a été sous le joug des Romains; le Christ est né sous le règne d'Hérode; il n'est donné pour un docteur envoyé de Dieu; il s'est attribué le pouvoir de faire des miracles; ces miracles étaient toujours des oeuvres de miséricorde et de compassion ; ils se produisaient en confirmation d'une morale jusqu'alors inconnue, non-seulement aux Gentils, mais encore aux Juifs eux-mêmes; le Christ a eu de nombreux disciples, il fut mis à mort sous Ponce Pilate; des centaines et des milliers d'hommes, admettant le fait (le sa résurrection , devinrent plus tard ses disciples ; en peu d'années ces disciples se répandirent sur toute l'étendue de l'empire romain et y fondèrent de nombreuses Eglises; voilà des faits matériels qui, indépendamment de toute signification ou interprétation religieuse, ressortent du fait de l'authenticité des saints écrits. Ce sont des faits, historiquement prouvés, autant que des faits peuvent l'être ; aussi , dans les premiers siècles, ceux-là même qui rejetaient l'Evangile reconnaissaient la vérité des faits sur lesquels il s'appuyait.
Nous possédons en effet, en entier ou par fragments, plus de cinquante auteurs des quatre premiers siècles, qui tous témoignent des faits contenus dans l'Evangile. Près de cinquante autres sont cités par saint Jérôme (392) , mais leurs ouvrages ont disparu. Ces auteurs appartiennent à toutes les parties du monde ancien, depuis l'Euphrate jusqu'aux Pyrénées, depuis la Germanie septentrionale jusqu'aux déserts brûlants de l'Afrique. lis parlaient syriaque, grec, ou latin. Ils représentaient la foi de nombreuses Eglises professant le christianisme et le consentement de nombreuses multitudes qui n'étaient pas chrétiennes. Ils sont unanimes à citer les Ecritures comme authentiques et véritables. Ils en appellent à elles comme à un livre à part, universellement reçu. Ils le commentent et l'expliquent. Ils le citent comme un livre divin. Les hérétiques ne se séparent de l'Eglise que sur les conclusions à tirer des faits , et non sur les faits eux-mêmes. Les incrédules, en reniant la foi, ne renient pas les faits qui en font la base. En un mot, les faits évangéliques avaient obtenu en peu de temps une telle créance, ils étaient si généralement admis, que Justin Martyr ( 165) raconte qu'en tous pays des prières et des actions de grâces étaient rendues au Père au nom de Jésus-Christ, et cinquante ans plus tard Tertullien constatait que dans presque toutes les villes les chrétiens formaient la majorité.
Les écrivains profanes, païens ou juifs, sans même qu'ils parlent du Nouveau-Testament et sans rendre aucun témoignage à son authenticité, confirment d'une manière générale les récits de la vie de notre Seigneur et de ses disciples , et leur servent involontairement de commentaires. Josèphe dans ses Annales (37 à 93) , Tacite dans son Histoire (l'an 100) , Suétone dans ses Biographies (117), Juvénal dans ses Satires ( 123), Pline dans ses Lettres (103 ), tous confirment les faits de l'histoire évangélique. On peut dire, sans la moindre exagération , qu'il n'est aucun événement de l'histoire ancienne qui réunisse en sa faveur autant de preuves que ne le font les récits des Evangiles et de l'histoire sainte.( Voyez Puaux, La raison humaine , etc ; Haldane, De l'évidence de la divine révélation; Paley, Beattie, etc. )
§ 53 On verra dans le tableau suivant quels sont les principaux écrivains ecclésiastiques qui, par leurs citations, prouvent l'authenticité et la pleine vérité du Nouveau-Testament.
Tout ces auteurs , toutes ces sectes, amis ou ennemis, rendant témoignage au fait évangélique, forment ce que l'on peut appeler une preuve historique suffisante. Cette preuve admise, on est placé dans les conditions dans lesquelles se trouvaient les contemporains de Jésus-Christ. La religion chrétienne est établie comme un fait vrai ; des preuves d'un autre genre doivent établir ses titres et justifier ses prétentions.
§ 54. Des différentes sortes de preuves de la divinité des Ecritures. - Une fois admise l'existence d'un être tout-puissant et tout bon , il y a de fortes probabilités qu'il ne voudra pas laisser ses créatures dans l'ignorance et dans la misère; il y a des probabilités non moins fortes que ses communications renfermeront des rapports directs avec eux, et présenteront des analogies avec les autres ouvrages du Créateur. Ces probabilités sont des preuves présomptives de la révélation. Les preuves fondées sur la révélation elle-même seront appelées positives.
Dieu ayant pour attributs la toute-puissance, la toute-science, la sainteté et l'amour, on pourra distinguer d'une manière analogue les preuves de la divinité des Ecritures, en évidences miraculeuses, prophétiques et morales.
Quand on reçoit un message, deux genres de preuves peuvent en établir l'authenticité : le caractère ou les titres du messager qui nous le transmet , et le contenu du message lui-même. Dans le premier cas il y a preuve extérieure; dans le second, preuve intérieure. En admettant cette distinction la prophétie rentrerait dans l'une et l'autre catégorie, car la prédiction est contenue dans le message ; elle est intérieure, tandis que son accomplissement, qui complète la preuve qu'on en veut tirer, appartient aux faits extérieurs, à l'histoire sainte ou profane.
Quant à la preuve intérieure, elle est double. morale ou spirituelle.
Morale, c'est-à-dire fondée sur les préceptes de la Bible, le caractère des hommes inspirés, l'influence sanctifiante de la vérité ;
Spirituelle, quand elle est tirée de l'harmonie des Ecritures au point de vue théologique aussi bien qu'au point de vue littéraire, de leur parfaite adaptation aux besoins de l'âme humaine, de leur parfaite conformité avec les idées les plus élevées et les plus saintes que nous pouvons nous faire de la divinité , de son caractère et de ses desseins.
C'est à cette division que nous nous proposons de rattacher les preuves dans l'exposé desquelles nous allons entrer.
Remarquons seulement, avant d'aller plus loin, combien chacune de ces preuves, considérée même isolément, abonde en instructions spirituelles salutaires. Les miracles nous rappellent que ce monde physique n'est pas un produit naturel du destin, ni un simple amas d'éléments divers. La prophétie nous montre que toutes choses , les hommes comme les forces de la nature et les événements de l'histoire , sont gouvernées par une main libre et puissante qui dirige le coeur de l'homme et le cours des fleuves selon sa volonté. Les problèmes que pose la religion naturelle, la révélation les résout. Sous leurs voiles les prophéties et les miracles renferment la vérité spirituelle; on verra plus loin aussi les sentiments de sainteté que réveille l'étude des preuves morales des Ecritures , et contrairement à ce que l'on affirme parfois, on se convaincra que l'étude de cette portion de la théologie, bien loin d'être desséchante pour l'âme, raffermit la foi et devient la source de nouveaux progrès dans la vérité et la sainteté.
Le tableau suivant indique d'une manière générale et facile à saisir la classification des diverses preuves auxquelles on peut en appeler, et qui seront développées dans les paragraphes suivants.
1. PREUVES EXTERIEURES
appréciables par les sens et l'intelligence. 1° Directes , comme les miracles du Sauveur
Jean , III, 2 ; V, 36 ; X , 37; XIV, 11.
2° Rétrospectives , comme les rapports de Christ avec les miracles et les prophéties de l'Ancien-Testament
3° Prospectives, comme l'accomplissement des prophéties depuis les jours du Sauveur
Il. PREUVES INTÉRIEURES.
a. Morales , faisant appel à la conscience.
1° Les préceptes moraux de la Bible.
2° Caractère de notre Seigneur et des écrivains inspirés.
3° Caractère et vie des premiers chrétiens , et influence générale de la vérité.
b. Spirituelles , faisant appel à notre intelligence et au nouvel homme tout entier.
1° La preuve Scripturaire ou littéraire , ou la sagesse et l'harmonie de la Révélation :
Dans ses diverses dispensations
Dans les portions diverses du recueil sacré (Paley , etc)
Avec la nature (Butler , Chalmers).
2° La preuve expérimentale. L'Evangile est approprié à tous nos besoins (Pascal , Erskine, J.-J. Gurney)
3° La preuve spirituelle. La Bible répond aux plus saintes idées que nous pouvons nous faire de Dieu , de son caractère, de ses décrets.
Nous allons reprendre l'une après l'autre ces diverses catégories de témoignages.
§ 55. Les miracles de Jésus-Christ. - Les succès de l'Evangile sont rapportés, par l'Ecriture et par tous les anciens écrivains, aux dons miraculeux qui étaient en notre Seigneur. On croyait , surtout dans les premiers temps, que des miracles, c'est-à-dire des faits qui sortaient de l'ordre naturel et ne pouvaient être attribués qu'à une puissance surhumaine, étaient nécessairement divins, et qu'ils suffisaient à garantir la vérité de la doctrine. Notre Seigneur en appelle fréquemment à ses oeuvres, telles que nul homme n'en fit jamais de semblables, et il les donne comme des preuves de sa mission. Il guérit les malades, il ressuscite les morts, non point une fois seulement, mais dans de nombreuses circonstances ; et ces paroles « on lui apporta des malades afin qu'il les guérit » sont fréquemment répétées (Matth., IV, 24 ; XII, 15 ; XIV, 14 ; XV, 30 ; XIX, 2, etc. Marc, I, 34; III, 10. Luc, Vl, 17; IX, 11).
Il conféra la même puissance à ses disciples, aux douze d'abord, puis aux soixante-dix. Après son ascension ses disciples reçurent le pouvoir de conférer à leur tour les dons miraculeux à tous ceux à qui ils imposaient les mains. Les apôtres en parlent comme d'une chose généralement connue et reconnue, et ils en font un des signes auxquels se reconnaissent les docteurs enseignés de Dieu. De fait, à cette époque où le Nouveau-Testament n'existait pas encore, on comprend que des miracles aient dû être le caractère extérieur d'une mission divine.
Tout le monde reconnaissait, aux jours du Seigneur, la complète suffisance de cette preuve (Jean, VII, 31 ; III, 2). Les miracles établissaient, pour ceux qui en étaient témoins dans un esprit sincère et pieux, la conviction que Jésus était bien le Messie (Jean, VI, 11; II, 11); et de même, le récit de ces miracles, l'exposé des doctrines en confirmation desquelles ils étaient faits, doit produire en ceux qui le lisent ou l'entendent la foi qui sauve (Jean, XX, 30, 31).
Mais, dira-t-on, ne pourrait-il pas avoir essayé de tromper le peuple? - Et comment l'aurait-il fait? Il se présentait enseignant une religion nouvelle, au milieu de nombreux ennemis. Il faisait ses miracles en public. Les sens suffisaient pour en faire justice s'ils étaient faux. Ses adversaires le surveillaient de près (Jean, IX). Et pourquoi l'aurait-il fait ? Il prévoyait et annonçait sa mort. Il promettait à ses disciples des persécutions et des souffrances; il recommandait et pratiquait lui-même une complète sainteté.
Ne se serait-il pas séduit lui-même? Mais d'où viendraient alors la sobriété et la sainteté de ses préceptes , l'effrayante fidélité de ses avertissements, le contraste entre ses enseignements et les espérances de ses compatriotes? Rien en lui ne trahit un enthousiasme irréfléchi.
Ses prédictions ne tardèrent pas à se réaliser. Il mourut sur la croix, et la plupart de ses apôtres scellèrent leur témoignage de leur sang et supportèrent noblement l'épreuve.
Pour se refuser à l'évidence de la preuve tirée des miracles, il faut admettre un miracle plus grand que tous ceux-là. Si Christ n'est pas le Fils de Dieu, ce n'est plus qu'un paysan juif changeant la religion du monde, réalisant dans l'histoire de sa vie l'accomplissement de prophéties anciennes, proclamant une morale de l'ordre le plus pur, aussi différente des enseignements traditionnels de ses compatriotes que supérieure aux préceptes de la philosophie païenne, supportant d'intenses douleurs avec une sérénité inouïe et obtenant de ses sectateurs de se soumettre à des persécutions sans nombre, plusieurs d'entre eux même à une mort cruelle, pour attester la réalité, non d'une doctrine, mais du prétendu fait de sa miraculeuse résurrection. Nous avons ensuite ces disciples eux-mêmes , des hommes sans lettres , poursuivant son oeuvre, traitant les sujets les plus sublimes , persuadant les habitants des riches cités de la Grèce et de l'Italie de rejeter loin d'eux leurs idoles, de renoncer à la religion de leurs pères, d'abandonner les enseignements de la philosophie et de reconnaître pour maître, au lieu de tant d'autorités respectées, un Juif d'une humble condition qui a subi une mort infâme. Et tous seraient des imposteurs ! En présence des faits acquis, une pareille explication ne serait admissible qu'à la condition d'un miracle plus grand que tous ceux que rapporte la Bible.
Les mêmes observations se rapportent également aux miracles de l'Ancien-Testament. Ils supportent tous l'épreuve des simples règles établies par Leslie, d'après lesquelles les miracles doivent être examinés et jugés, savoir :
1° les miracles étaient-ils de nature à être appréciés par les sens?
2° ont-ils été publics?
3° y a-t-il quelque document ou monument public? y a-t-il eu quelque fait extérieur destiné à rappeler le souvenir de ce fait miraculeux? et
4° ce monument a-t-il été érigé ou cette cérémonie instituée à l'époque même où se sont passés les faits qu'ils devaient rappeler, et dont-ils souffert ni altération ni interruption?
De ces règles, les deux premières garantissent que les témoins dont pu se tromper ni être trompés ; les deux autres sont, pour les âges suivants, une garantie que le récit du miracle repose , non sur une tradition vague et susceptible d'amplification, mais sur un fait positif et matériel. Qu'on applique ces règles aux miracles de la Bible et à ceux de la tradition, l'on verra combien est facile la distinction entre les vrais et les faux miracles.
§ 56. Les prophéties avant Jésus-Christ. - Aux miracles de puissance dont il vient d'être parlé, nous devons joindre les miracles de la connaissance, c'est-à-dire les prophéties. Les premiers ont en eux-mêmes leur propre démonstration; la prophétie ne se prouve qu'avec le temps; son développement est graduel.
L'étude des prophéties et de leur accomplissement est extrêmement utile, et pour l'affermissement de la foi, et pour l'instruction de l'Eglise. Si lord Bacon se plaignait, à juste titre, en Angleterre, du manque d'ouvrages et de bons ouvrages sur ce sujet, on peut se plaindre, en France, avec non moins de raison, de la pénurie qui y règne sous ce rapport. Depuis un certain nombre d'années cependant quelques ouvrages ont paru qui encourageront et faciliteront l'étude de la prophétie : en anglais, Newton, Elliott, Keith, etc.; en français, Gaussen, Digby, Darby, Newton , etc.
Pour qu'une prophétie puisse être considérée comme une preuve de la divinité des Ecritures, il faut :
1° que les événements prédits échappent à tout calcul humain;
2° que la prophétie ait été connue et répandue avant l'évènement;
3° que la prédiction se soit accomplie naturellement, et sans aucune intervention tendant à faire concorder le fait avec la prophétie.
En effet, si la prudence humaine a pu suffire pour prévoir le fait , il n'y a plus prophétie, mais simple sagacité. Si la chose prévue n'a pas été prédite , il n'y a plus de preuve; si enfin la prophétie a poussé quelques personnes à en provoquer l'accomplissement d'une manière extérieure, cet accomplissement ne prouve rien, puisqu'il est le résultat d'efforts intéressés , d'une complicité humaine. Or, il y a dans la Bible quelques prophéties qui ne remplissent pas toutes ces conditions. Dans ce cas, malgré leur importance et leur autorité, et quoiqu'elles doivent être étudiées à d'autres points de vue, elles ne sauraient être considérées comme des preuves décisives en faveur de l'autorité divine des Ecritures.
Néanmoins, et malgré cette réserve, la preuve prophétique ressort de la Bible tout entière ; chaque dispensation a eu ses prophéties particulières.
Immédiatement après la chute, nous avons la promesse d'un Sauveur; aux jours d'Enoch, des prédictions relatives à un jugement à venir; aux jours de Noé, l'annonce du déluge. Après le déluge, la prophétie annonce une nouvelle ère et de nouvelles conditions de bénédictions temporelles rattachées à un nouveau signe, et promet la continuation régulière des saisons jusqu'à la fin des temps. En Abraham, elle fonde la double alliance de Canaan et de l'Evangile, promettant à sa postérité une contrée dans laquelle il ne possédait encore qu'un sépulcre , et à toutes les nations, qu'elles seraient bénies en sa semence (Gen., XII, 2 , 3 ; XV, 13). Elle annonce la captivité d'Egypte et sa délivrance (Gen., XV, 14). Par la bouche de Jacob, elle fait connaître l'histoire future des patriarches et de leurs descendants (Gen., XLIX).
Pendant la captivité de l'Egypte, la prophétie reste muette jusqu'aux jours de Wise; mais alors , après avoir donné la loi sur le Sinaï, elle recommence à se faire entendre. Elle annonce la venue d'un second prophète plus puissant que Moïse (Deut., XVIII, 15), la dignité future de Juda (Nomb. , XXIII) et les destinées du peuple hébreu jusqu'à la fin des temps (Deut. , IV, 28, 33), pendant que l'économie juive tout entière reflète par avance dans ses types les grandes doctrines de l'Evangile.
Un silence prophétique de quatre siècles suit la promulgation de la loi; un silence de la même durée précède la venue de notre Seigneur.
Aux jours de Samuel, dont le ministère prophétique est positivement indiqué 1 Sam. , III, 20 , cf. Actes, III, 24, nous voyons annoncées les conséquences de l'élection d'un roi temporel, la mort de Saül, l'élection et le caractère de David, l'établissement de son royaume , la naissance et le caractère de Salomon; puis ensuite , la division du royaume, la destruction soudaine de l'autel idolâtre de Béthel et la dispersion d'Israël. De rapides esquisses de la nature et des progrès du règne de Jésus-Christ apparaissent au milieu des préoccupations prophétiques de cette époque. (1 Sam., VIII, 11-15; XXVIII, 19; XVI, 13 , 14. 2 Sam., VII, 12-17. 1 Chron. , XXII, 9 , cf. 1 Rois, IV, 25; II, 34, 40; XIII, 1-5.)
Les prophéties d'Elie et d'Elisée occupent une place considérable dans l'histoire des deux royaumes (2 Rois, I-XII), et s'étendent à peu près jusqu'aux jours de Jonas, avec qui s'ouvre pour ainsi dire la série des prophètes hébreux. Amos prédit la destruction de Samarie et la dispersion finale des dix tribus (IX , 9 , etc.) ; Esaïe fait de même (VII, 6-8); il annonce encore la captivité temporaire de Juda à Babylone, précédée de quelques jours de paix et de tranquillité, et la défaite des Assyriens qui assiégeaient Jérusalem (XXXVII; XXXIX, 2-6). Les principales circonstances de l'exil ont pareillement été prédites par les prophètes : sa durée de soixante-dix ans, ses causes morales, ses conséquences, et les instruments dont Dieu devait se servir pour y mettre un terme. Des noms de peuples alors à peine connus , le nom d'un conquérant qui ne devait même naître que beaucoup plus tard, sont indiqués, et la prophétie a, dans cette circonstance, l'exacte précision de l'histoire (Jér., XXIX, 10 et suiv. Ezéch. , XXIV. Jér., XXX, 1-20. Esaïe, XXVII, etc. ; XIII , 19; XIV, 3; XLIV et XLV. Jér., XXV, 1. Ezéch. , Il, XII, XXIII, etc.)
Pendant toute cette période les prophètes font pressentir un changement prochain de l'alliance mosaïque; ils décrivent à grands traits l'histoire future des plus grandes nations païennes contemporaines ; ; ils complètent ce qui a été prédit de la venue d'un Messie réparateur et de l'oeuvre de la rédemption.
L'exil entend les oracles d'Abdias et de Daniel, une partie de ceux d'Ezéchiel. Après la captivité, les prophéties d'Aggée, de Zacharie et de Malachie stimulent le zèle des reconstructeurs du temple, et proclament de plus en plus clairement la prochaine venue de l'Evangile.
C'est ainsi que la prophétie accomplit sa première et sa dernière oeuvre, la préparation du christianisme. Le ministère et la personne de Jésus-Christ sont posés comme le commencement et la fin des premières révélations de Dieu au monde.
Toutes les prophéties convergent vers un seul et grand objet; ce point mérite une attention particulière.
C'est un fait qu'aujourd'hui la religion de la Bible est reconnue d'une manière générale par environ deux cent millions de personnes , et que, tandis que les autres systèmes religieux répandus sur le globe sont visiblement en décadence et en décomposition, le christianisme, toujours jeune, se propage tous les jours et de toutes parts comme destiné à pénétrer la terre entière. Il y a dix-huit siècles, il comptait à peine un millier de disciples. Ce fait en lui-même est déjà remarquable; il le devient doublement quand on le rapproche des prophéties bibliques qui nous sont parvenues.
En effet, cet immense changement avait été prédit; les prophètes avaient annoncé qu'il aurait pour auteur et pour instrument celui qu'ils appellent la semence de la femme, qu'il serait en rapports intimes avec les destinées du peuple qui devait naître d'Abraham ; que, malgré l'étroitesse de ces rapports, ce changement aurait lieu par l'établissement d'une nouvelle alliance (Jér. , XXXI, 31 ; XXXII , 40. Ezéch. , XXXVII , 26. Michée, IV, 1 ) ; qu'il serait amené, non point par la nation tout entière , mais par un seul de ses membres ; que cet homme serait méprisé et condamné par ses compatriotes, et que, bien que mis à mort, il fonderait un royaume immense et impérissable (Esaïe, IX, 6; XI, 1. Ezéch., XXXIV, 23).
Les livres prophétiques parlent avec non moins de clarté de sa nature à la fois humaine et divine; de sa généalogie par Isaac et non par Ismaël ; par Jacob et non par Esaü; par Juda le quatrième, et non par Ruben l'aîné des fils de Jacob, ou par Lévi le chef de la race sacerdotale ; et par David , le plus jeune des fils d'Isaï (Esaïe, IX, 6. Gen. , XLIX, 10. 1 Sam. , XVI, 11. Jér., XXIII, 5). Ils mentionnent l'époque de sa venue (Gen., XLIX, 10. Dan. , IX, 24. Aggée, II, 6-9) ; le lieu et les circonstances de sa naissance (Esaïe, VII, 14; Michée, V, 2) ; son office comme prophète, sacrificateur et roi (Ps. CX. Zach.., VI, 13. Esaïe, LXI; le théâtre de ses premiers travaux (Esaïe, IX, 1. cf. Matth. , IV, 14); ses miracles, ses souffrances et sa mort (Ps. XXII, 16. Esaïe, XXXV, 5, 6; LII et LIII); sa résurrection et son ascension (Ps. LXVIII, 18); l'envoi du Saint-Esprit (Joël, II, 28) ; enfin, le triomphe universel et final de la vérité (Esaïe, LIII, 9, 7. Ps. II, 6; XXII, 27). On pourrait multiplier ces citations et montrer combien de fois, dans un langage toujours clair et précis , les prophètes ont annoncé l'oeuvre et la personne de notre Seigneur, indépendamment des types qui le préfiguraient, on des allusions également nombreuses qui ne se comprennent qu'à raide des déclarations plus précises des prophètes.
Ces oracles ont presque tous été prononcés au moins six siècles avant la venue du Messie ; un grand nombre d'entre eux étaient peu probables , quelques-uns en apparence contradictoires, et tous sont si précis et si remarquables qu'on ne peut les expliquer que par la puissance et la sagesse d'en haut. Une prédiction tout-à-fait isolée, la venue d'un grand conquérant par exemple, aurait pu se réaliser par hasard; mais une série de prédictions complètes et détaillées, renfermant des circonstances difficiles à concilier, et cependant se réalisant toutes en la personne de Jésus-Christ, n'ont pu être faites que par celui qui fait toutes choses d'après son conseil arrêté.
Et combien n'est-il pas remarquable que tandis qu'aucun homme, pas même Moïse , n'a été l'objet d'une série de révélations prophétiques, le Messie ait été le centre et l'objet de toutes, Quand il parut, il avait, aussi bien qu'en lui-même , ses titres de créance devant lui. Il parut comme Dieu l'avait voulu, et « selon ce qu'il avait dit par la bouche des saints prophètes qui avaient été de tout temps (Luc, I, 70). »
§ 57. Prophéties concernant les rapports des nations avec l'Evangile. - Si les prophètes s'occupent spécialement du peuple juif, ils n'oublient cependant pas les autres peuples. Dieu révèle à Noé l'histoire de ses descendants; Canaan, serviteur des serviteurs de ses frères, a justifié ces oracles ; Japhet s'élargissant jusqu'à « se loger dans les tabernacles de Sem , » c'est aujourd'hui l'Europe maîtresse de l'Asie. Abraham apprend de la bouche de Dieu le jugement qui attend l'Egypte et les Amorrhéens, et, pour un avenir moins éloigné, Sodome et Gomorrhe. Balaam parle des Hébreux, de l'avènement du christianisme, et des malheurs qui doivent fondre sur les Amalécites, les Kéniens et les Assyriens. Moïse annonce l'élévation de la puissance romaine huit cents ans avant la fondation de Rome.
Il y a trois mille ans qu'une prophétie décrivait Ismaël comme un âne sauvage qui habiterait à la vue de tous ses frères, dont la main serait contre tous, et la main de tous contre lui (Gen. , XXVI, 12); et aujourd'hui encore, malgré les efforts de Sésostris , de Cyrus, des Romains et des Turcs, nous les retrouvons libres dans leurs déserts. Les prophètes nous disent encore la destruction de l'empire perse par Alexandre, la ruine de Babylone, de Tyr, de l'Egypte, avant même que ces états se fussent élevés ou à l'époque de leur plus grande prospérité (Dan., XI, 2 , 4. Ezéch. , XXVIII, 1-20; XXIX, 14, 15); les conquêtes des Sarrasins et des Turcs, les noms des royaumes qui leur échapperont et de ceux qui leur seront assujettis, l'histoire d'Edom, de Moab, d'Ammon , des Philistins, sont prédits avec une exactitude de détails dans laquelle on ne peut méconnaître l'esprit supérieur de celui qui voit et dirige tout. On dirait que le prophète a eu devant les yeux la vision des choses futures (Dan. , XI , 40, 41. Jér. , XLVIII et XLIX. Soph., II, 9. Ezéch. , XXV, 2-10).
Ces oracles étaient prononcés au milieu des jours de décadence de l'économie juive ; ils avaient pour but de rabattre l'orgueil des nations, de consoler et d'instruire les hommes pieux des deux royaumes, et surtout de diriger leurs regards vers ce royaume qui ne peut point être ébranlé. C'est pendant l'exil que Daniel compte et pèse les royaumes présents et les monarchies à venir, libre dans l'esclavage, et ne reconnaissant d'autre domination que celle de l'ancien des jours qu'il voit venir.
Ajoutons, quant à nous, que toute promesse de Dieu réalisée dans cette vie, toute prière exaucée , tout acte de foi récompensé , toute bénédiction spirituelle obtenue en retour d'un acte «obéissance spirituelle, est une prophétie accomplie.
§ 57 bis. Exemples. - Pour se former une idée plus exacte et plus complète de l'évidence qu'entraînent avec elles les prophéties de l'Ancien-Testament, le lecteur pourra comparer, par exemple : Ps. XXII et Esaïe, LIII, avec les Evangiles ; ou bien il prendra dans le Pentateuque les prophéties relatives à l'histoire du peuple juif, auxquelles Néhémie fait allusion, et que reproduisent en partie Amos, Jérémie et Ezéchiel (Deut., XXVIII, 64, 65. Lév. , XXVI, 32, 33. Néh., I, 8 ). Or, le Pentateuque, conservé avec soin par les Juifs, même dans ce qui leur était contraire, fut connu des païens depuis plus de deux mille ans ; les Juifs sont aujourd'hui dispersés. La prophétie dans ce cas est non-seulement incontestable, mais incontestablement de beaucoup antérieure à son accomplissement.
Les Juifs. - Quand la première promesse fut faite à Abraham, il était encore sans enfants ; et deux cents ans après , quand la promesse lui avait été plusieurs fois réitérée, sa famille ne s'élevait encore qu'à soixante-dix âmes (Gen., XV, 2; XLVI, 27). Leur conservation et leur grandeur furent prédites par Balaam et par Moïse ( Nomb., XXIII, 9 ) , alors que rien ne pouvait rendre probable un pareil résultat, quand toute la nation était sous le coup du déplaisir de l'Eternel, que les nations qui les entouraient étaient toutes puissantes et liguées pour les détruire. Esaïe annonça la captivité sous le règne d'un roi pieux et sous un gouvernement prospère. Jérémie annonçait la délivrance alors que les Juifs étaient menacés de destruction à Babylone , et que dix des tribus avaient presque entièrement disparu (Jér., XXX, 10, 11 ; XXXIII, 25, 26 ; XLVI, 27, 28 ).
Après la ruine de Jérusalem , le pays fut foulé des Gentils (Luc, XXI, 24 ) , et ils furent chassés de leur patrie. Depuis près de deux mille ans ils existent sans distinction de tribus , sans princes , sans gouvernement, sans temple, sans sacerdoce, sans sacrifice, dispersés, et cependant distincts au milieu des nations, sans mélange ni altération de la race ; ils ont une existence et une nationalité proverbiales. C'est un fait unique et sans analogue dans l'histoire. Aucun homme n'eût pu le prévoir; aucun homme n'a pu l'arranger, l'amener, ou le faire durer pour procurer un accomplissement artificiel de la prophétie. Enfin, pour donner à cette preuve toute la force morale, la loi demeure , et les Juifs conservent avec respect ces mêmes prophéties dont ils sont le triste et vivant accomplissement, de sorte qu'ils sont devenus non-seulement « en reproche et en ignominie, » mais encore « en instruction » parmi les nations qui les entourent (Ezéch., V, 15).
Les Edomites. - L'histoire des Juifs devient une démonstration plus évidente encore, quand on la compare à celle des Edomites. Les uns et les autres descendaient «Isaac. Les Edomites prospérèrent et s'élevèrent comme nation, longtemps avant les Juifs ; ils ne furent jamais dispersés par aucune captivité, ils devinrent une nation florissante. Trente villes ruinées, à environ trois journées de la mer Morte, attestent leur ancienne grandeur.
Abdias et Jérémie ont prédit que ce pays et ses habitants seraient réduits en désolation (Abdias, VIII. Jér., XLIX, 10-17 ) , et maintenant on n'y trouve plus que ruines et décombres.
Les Edomites étaient distingués par leur sagesse ; aujourd'hui leur prudence est tombée, et dans leur égarement ils regardent les ruines qui les entourent comme l'oeuvre des esprits.
L'Idumée est sur la route directe de l'Inde ; mais « personne n'y passera ou n'y séjournera plus à toujours, » et les Arabes même, au dire du docteur Keith, craignent d'y passer et d'y conduire les voyageurs (Esaïe, XXXIV, 10 ). Les habitants actuels de l'Idumée sont une race sauvage et perfide , ainsi que l'avait prédit le prophète (Mal., I, 4).
Sa désolation sera perpétuelle (Jér., XLIX, 7-22). Et les voyageurs racontent que la contrée tout entière n'est plus qu'une vaste étendue de sables, apportés de la mer Rouge par les vents.
Quelle sagesse humaine aurait pu prévoir avec des détails aussi circonstanciés les destinées actuelles dune nation autrefois si fière.
Babylone. - Cent soixante ans avant que Babylone tombât sous les coups de Cyrus, Esaïe avait annoncé sa ruine. Juda était alors une nation puissante. La Perse était encore barbare. Babylone commençait à peine à compter, et c'est tout au plus si les Hébreux connaissaient son existence.
Cent ans après Esaïe, Jérémie prophétisait; Babylone était alors la gloire des nations, la louange du monde entier. Nébucadnetsar avait agrandi et embelli la capitale de son empire, et son autorité ,suprême était reconnue dans une immense étendue de pays.
Esaïe commence ses prédictions; il annonce la ruine de cette puissante cité; il nomme par son nom Cyrus, l'instrument de sa destruction; il ajoute que Cyrus ne sera appelé ainsi que plus tard et pas dès sa naissance. Il fait venir les peuples d'Elam (Perse) et de Médie; il raconte comment la ville sera prise, le fleuve détourné, les portes ouvertes par surprise, pendant une nuit d'ivresse et de débauches. L'un et l'autre prophètes ajoutent que Babylone ne sera plus habitée, qu'elle deviendra un repaire de bêtes féroces, un marais d'eaux croupissantes (Esaïe, XIII, 21 ;.Jér., L, LI).
Un siècle après la prophétie recevait son premier accomplissement. Nébucadnetsar s'emparait de la Judée, et deux historiens profanes, qui vivaient, l'un, Hérodote, deux cent cinquante ans, l'autre, Xénophon, trois cent cinquante ans après Esaïe, nous donnent la preuve historique de la minutieuse exactitude de toutes ces prédictions. Hérodote ( 1 , 114) dit que Cyrus prit ce nom lors de son avènement au trône. Xénophon ( Cyrop., V; CIII, 38) fait ressortir le caractère mélangé de son armée, composée principalement de Perses et de Mèdes. Tous les deux ils donnent le récit détaillé des circonstances du siège; il racontent le détournement du fleuve, la prise de la ville et la mort du roi.
Strabon dit que de son temps Babylone n'était plus qu'une vaste solitude; Lucien, que bientôt on la chercherait, mais qu'on ne la trouverait plus (XVI); Pausanias, qu'on n'en avait plus laissé debout que les murailles (VIII, 33); Jérôme, que de son temps ses ruines n'étaient plus habitées que par des bêtes féroces. Les voyageurs modernes, jusqu'à sir R. K. Porter, rendent le même témoignage sur cette complète désolation; « c'est un immense marais au pied de quelques éminences arides et desséchées, et je ne pouvais m'empêcher, dit l'un de ces voyageurs, de remarquer combien toutes les prophéties relatives à cette cité avaient été fidèlement accomplies. »
Ninive. - Plus grande encore et plus riche que Babylone, Ninive est tombée comme un monument de cette puissance divine à laquelle rien ne résiste. Aussi ancienne qu'Assur, fils de Sem, cette ville eut jusqu'à vingt lieues de tour. Elle était pleine d'orgueil et de splendeur. « C'est moi, disait-elle, et il n'y en a point d'autre que moi (Soph. , Il , 15). » Jonas fut envoyé pour lui annoncer sa ruine.; elle se repentit, mais son repentir ne dura guère, et au bout de quelques années, Nahum fut chargé de reproduire les mêmes menaces prophétiques. Cent ans après, c'est-à-dire cinquante ans avant qu'elle tombât, Sophonie prédit de nouveau sa prochaine destruction, et entre, à cet égard, dans des détails circonstanciés qui, lorsqu'on a lu les récits historiques de Diodore de Sicile, ressemblent plus encore à l'histoire qu'à la prophétie. Lucien, qui vivait au second siècle après Christ , et qui était originaire de ces contrées, affirme que Ninive était détruite de fond en comble , et qu'il n'en restait plus absolument aucun vestige. Le prophète l'avait dit avant lui : Elle sera réduite en désert pour être le gîte des bêtes.
C'est à ses oracles que Dieu en appelle : « Qui a déclaré ces choses ? n'est-ce pas moi, l'Eternel. ? Or il n'y a point d'autre Dieu que moi... Vous , tous les bouts de la terre , regardez vers moi , et vous serez sauvés (Esaïe, XLV, 21 , 22). »
Ces preuves du christianisme, que nous venons de développer, les miracles et les prophéties, sont ce qu'on appelle les preuves directes et extérieures. Nous avons à considérer maintenant les preuves intérieures, qui se divisent en preuves morales, littéraires et spirituelles.
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