AMEN
ravive les plaies de l'Eglise sur l'Holocauste !
Le
but en préparant ce dossier n'est pas de dénoncer
des individus. Des personnes de tous bords ont collaboré
; des personnes de tous bords - catholiques, protestants, athées,
voire SS comme Kurt Gerstein - ont entrepris des actions individuelles
; d'autres ont entrepris des actions "collectives",
ceci afin de sauver le maximum de vies humaines. Au milieu de
cette barbarie, malgré l'inhumanité qui régnait,
des voix se sont élevées !
Mais
une voix, une seule, celle qui aurait dû crier, celle qui
aurait dû, avant toutes les autres, s'exprimer, cette voix
là s'est tue ! Non un individu mais le système qu'il
représente à préférer se taire malgré
toutes les informations, toutes les preuves mêmes qu'il
avait en sa possession.
Ne
déplaçons pas la problématique sur une question
d'affiche qui semble gêner quelques personnes. Jean-Arnold
de Clermont, président de la Fédération protestante
de France, a raison quand il déclare : " Je suis agacé
par ces protestations autour de l'affiche. Pour ma part, je la
trouve belle et forte, et elle évoque la problématique
du film. On ne parle que de l'affiche alors qu'il faut parler
du film. Il peut déclencher une juste polémique
sur l'attitude du Vatican. " (1)
Pourquoi
un tel silence ?
Les
autorités vaticanes ont souvent prétexté
qu'une prise de position aurait aggravé la condition des
juifs :
"
si le pape Pie XII s'est bien abstenu de "
déclarations publiques extrêmement brutales ",
c'était pour éviter que " les persécutions
contre les juifs ne redoublent dans toute l'Europe " (2).
Mais cela est difficilement défendable car leur condition
ne pouvait être pire.
Jean-Arnold
de Clermont de poursuivre :
" Dans certaines situations, il faut savoir proclamer un
non absolu. " Au lieu de se comporter en homme d'Eglise,
Pie XII opta pour la casquette de l'homme d'Etat. " L'Eglise
catholique se veut universelle, pourvue d'une diplomatie d'Etat
et d'ambassadeurs - les nonces... Elle entretient avec les pays
des relations d'Etat à Etat. Il y a là une confusion
entre pouvoir spirituel et pouvoir politique. Ambiguïté
inacceptable. " (3)
Le patriarche orthodoxe de Constantinople, lui, n'avait pas hésité
à adresser à tous ses évêques dans
les Balkans et en Europe centrale une note leur enjoignant d'aider
les juifs par tous les moyens et de proclamer dans les églises
que cacher des juifs était un devoir sacré. (4)
Certains
historiens mettent en avant d'autres raisons que celles invoquées
par le Vatican. Mais avant de les aborder essayant de comprendre
comment fonctionne cette " machine Vatican ".
L'ambassadeur
de Grande-Bretagne, Sir d'Arcy Osborne, a pu déclarer :
" ...le Vatican baigne dans une atmosphère de supranationalité
et d'universalité... et en outre il participe d'une quatrième
dimension. Il est pour ainsi dire hors du temps... Le Vatican
comptant en siècles et planifiant pour l'éternité,
sa politique apparaît nécessairement impénétrable,
confuse, et à l'occasion condamnable... "
Jacques Mitterrand, quant à lui, affirmait :
" L'évolution politique du monde a conduit l'Eglise
du XXe siècle à affirmer publiquement qu'elle n'était
liée à aucune civilisation. Certains ont considéré
que le recul de l'esprit religieux chez les peuples européens
avait amené Rome à délaisser les vieilles
nations de l'Occident et à rechercher, en Amérique
et en Afrique, les assises d'une nation désormais dépourvue
d'avenir en Europe.
Il n'en est rien. Soucieux d'étendre son rayonnement dans
les pays neufs et plus particulièrement au sein des peuples
colonisés accédant à leur indépendance,
le catholicisme n'a renoncé à aucun des objectifs
occidentaux qu'il s'était fixés dès le Moyen-Age.
Toute la politique du Saint-Siège en Europe demeure imprégnée
du grand rêve de la construction d'un Empire d'Occident
dépendant de Rome et soumettant enfin à sa loi les
pays slaves que le schisme de l'an 1000 a arrachés du giron
de l'Eglise. " (5)
Ainsi
il y a donc bien confusion entre pouvoir spirituel et pouvoir
politique, et on voit bien que les deux systèmes s'interpénètrent.
Mais des deux casquettes, Pie XII opta en effet pour la casquette
de l'homme d'Etat.
Parmi les raisons invoquées :
" L'anticommunisme du pape, qui, par stratégie vis-à-vis
de l'URSS, aurait préféré réintégrer
l'Allemagne dans le jeu diplomatique comme rempart à Staline
et aux bolcheviks. " (6)
" Le Vatican, avec son génie de la désinformation,
a trop camouflé les faits, il a, par des alibis commodes,
trop anesthésié les "bonnes consciences"
pour qu'on ne s'acharne pas à rétablir la vérité
: l'Holocauste n'aurait pas eu lieu sans la complicité
tacite d'un Pie XII avec ceux en qui il n'a voulu voir qu'un rempart
efficace contre le bolchévisme et qu'alors, il a toujours
ménagés. " (7)
" Contrairement à ce que les historiens officiels
de l'Eglise ont prétendu, aussi bien le Vatican que les
différentes hiérarchies locales en Europe occupée
n'ont jamais élevé la voix contre la barbarie nazie.
Pire, si Pie XII, "comme son prédécesseur,
a ménagé Mussolini et Hitler, c'est parce qu'il
envisageait l'avenir en leur compagnie. Pour lui, le pacte germano-soviétique
était un leurre et bientôt les forces armées
de l'Axe écraseraient la Grande-Bretagne protestante et
l'URSS athée... Le chef de la catholicité rêvait
d'une Europe à l'image de l'Allemagne : national-socialiste,
chrétienne et débarrassée de la peste judéo-communiste...
" (8)
Raison
d'Etat !
D'où bien des incompréhensions :
" Nous attendions que la plus haute autorité spirituelle
de ce temps voulût bien condamner en termes clairs les entreprises
des dictatures, regrette Albert Camus le lendemain de Noël
1944 dans Combat. Je dis "en termes clairs". "
(9)
Et en 1951, le très catholique François Mauriac
écrivait : " Nous n'avons pas eu la consolation d'entendre
le successeur du Galiléen Simon Pierre condamner clairement,
nettement, et non par des allusions diplomatiques, la mise en
croix de ces innombrables "frères du Seigneur".
" (10)
Question
délicate !
Imaginons un instant que vous ayez l'opportunité de falsifier
quelques documents historiques afin de vous approprier un titre,
une primauté - partagée à la base par plusieurs
personnes - et que grâce à ces falsifications vous
deveniez le représentant officiel de la chrétienté.
Quelques siècles passent et tout le monde a oublié
ce que votre prédécesseur a fait et la manière
dont il s'y est pris. De par votre titre, vous devenez normalement
le protecteur de " la veuve et de l'orphelin ". Tout
du moins, le monde s'attend à ce que vous le fassiez. Mais
problème, vous avez beau avoir le titre de Vicarius Filii
Dei (Vicaire du Fils de Dieu), vous n'en êtes pas moins
une sorte d'usurpateur.
Démonstration
Dans
la Bible, Jésus interpelle Simon en affirmant : Tu es une
pierre. Autrement dit, tu es devenu, par ta profession de foi
un élément solide. Et sur ce roc je bâtirai
mon Eglise. En d'autres termes, c'est par le renouvellement constant
de ta profession de foi par les chrétiens de toutes les
générations que l'édification de mon Eglise
sera assurée. L'Eglise n'est pas bâtie sur la personne
de Pierre, mais sur son attitude à l'égard de Jésus
qui est l'attitude-type de la foi chrétienne. Pierre est
le premier à faire la profession de foi, au fondement même
de la religion chrétienne : " Tu es le Christ ",
et méritait bien d'être appelé pierre. A ce
titre, il demeure le prototype des " pierres " devant
servir à édifier l'Eglise.
Jésus-Christ s'est déclaré comme étant
lui-même la pierre, décrite par les prophètes,
et il désigne tous les chrétiens sincères
qui s'approchent de lui par la foi comme autant de " pierres
vivantes ". Paul, Pierre et Jean enseignent cette même
vérité.
Ainsi donc, nous n'avons eu la consolation d'entendre quelques
pierres, condamner clairement, nettement la mise en croix de ces
innombrables "frères du Seigneur".
PIE
XII, LE RETOUR
"
À l'aube du troisième millénaire du christianisme,
l'Église de Pie XII est de retour. Elle s'affirme à
nouveau, de manière tantôt flagrante, tantôt
clandestine, et remet à l'honneur un modèle pyramidal
: celui de l'homme en robe blanche qui dicte sa volonté
depuis la solitude de son pinacle. Au crépuscule du long
règne de Jean-Paul II, l'Église donne une impression
généralisée de dysfonctionnement malgré
le rôle historique du pape dans l'effondrement de la tyrannie
communiste en Pologne et son désir ardent d'aborder le
prochain millénaire la conscience purifiée. "
(11)
Anatole
FRANCE déclarait autrefois :
" Il ne faut pas dire de l'Eglise qu'autrefois elle faisait
exécuter ses sentences par la justice laïque et qu'elle
y a renoncé. Elle ne renonce jamais. Il ne faut pas dire
qu'elle a changé. Elle ne change jamais... Aujourd'hui,
comme autrefois, elle s'attribue une puissance temporelle directe
et indirecte, ce qu'elle appelle proprement le pouvoir pénal,
politique et corporel
Ce que l'Eglise pensait il y a dix siècles, elle le pense
encore. Parlant comme son antique prédécesseur,
saint Léon le Grand, Pie IX a dit dans l'encyclique Quanta
Cura. "La puissance a été donnée aux
Empires non seulement pour le gouvernement du monde, mais surtout
pour porter aide à l'Eglise. " (12)
Et
le Syllabus qui accompagnait l'encyclique d'ajouter :
"...Anathème à qui dira :
L'Eglise n'a pas le droit d'employer la force ; elle n'a aucun
pouvoir temporel direct ou indirect. "
Pie
XII, lors d'un discours public retransmis dans La
Croix du 22 décembre 1938, faisait cette déclaration
étonnante :
" s'il y a un régime totalitaire - totalitaire de
fait et de droit -, c'est le régime de l'Eglise, parce
que l'homme appartient totalement à l'Eglise."
Au
cours d'une conversation qu'il eut avec le docteur Nussbaum, secrétaire
général de l'Association internationale pour la
liberté religieuse, le docteur demanda à Pie XII
lui-même : " J'aimerais bien savoir,... quelle serait
votre attitude s'il y avait dans le monde un Etat qui vous fût
entièrement dévoué, qui le fût à
un point tel qu'il ne fasse rien sans votre approbation. Nous
donneriez-vous, en ce cas, la liberté religieuse ? "
Le Pape fit une réponse immédiate. Il déclara
vivement et sans hésitation : "Vous savez bien, mon
cher docteur, que nous croyons avoir la Vérité...
nous ne pouvons pas accorder à l'erreur les mêmes
droits qu'à la vérité." (13)
Depuis la seconde guerre mondiale, l'Eglise s'affirme sur la scène
internationale. Le pape n'hésite pas à appeler à
l'Unité des Etats, comme Pie XII l'a fait en 1951 en déclarant
:
" L'union des Etats est un postulat naturel, un fait qui
s'impose à eux. "
Non seulement les catholiques ont un " devoir de conscience
" de participer à l'organisation de la communauté
internationale, mais l'Eglise elle-même en tant qu'institution
est vue comme " nécessaire à l'édification
de la communauté humaine " (Noël 1955).
Ainsi s'exprimait Pierre PFLIMLIN, ancien président du
Parlement Européen :
" L'idée européenne, surgie des ruines de la
guerre, suscita partout une adhésion enthousiaste.
Mes réflexions me conduisent ainsi à reconnaître
que la seule source authentique et profonde de l'unité
est d'ordre spirituel. Ce n'est pas un hasard si les hommes d'Etats
reconnus comme les "Pères fondateurs" de l'Europe
- Robert Schuman, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi - appartenaient
à la même famille politique, la démocratie-chrétienne.
"
Le pape Jean-Paul II, dans son discours du 22 décembre
1989, déclarait :
" L'Europe doit devenir une maison dans laquelle chaque peuple
sera reconnu avec sa propre identité... " Il continuait
en affirmant les 14 et 15 août 1991 qu'" une nouvelle
époque missionnaire s'ouvre. "
Mais de quelle maison s'agit-il ? Quelle est la vision du Vatican
quant à un éventuel gouvernement mondial ?
Depuis
longtemps déjà on entend tout haut la revendication
d'un pouvoir central, d'une personnalité, qui pourra mettre
fin aux foyers de crises de notre monde.
H. G. Wells exprima son sentiment : " Il est nécessaire
que nous trouvions un conducteur capable de diriger tout cela.
Il faut qu'il soit doté d'une intelligence qui dépasse
le plus haut niveau humain ".
En 1990, Malachi MARTIN, ancien jésuite et professeur à
l'Université grégorienne pontificale du Vatican,
a consacré un ouvrage important à ce sujet, Les
clés de ce sang, qui porte comme sous titre " La lutte
pour la domination du monde entre le pape Jean-Paul II, Mikhaïl
Gorbatchev et l'Occident capitaliste. "
Pour
lui, il n'y a plus aucun doute :
" La grande compétition entre ces trois forces pour
établir le premier système mondial de gouvernement
qui ait jamais existé dans la société des
nations, a déjà commencé [...] En fait, le
dessein visé par le pontificat de Jean-Paul II consiste
précisément à remporter la victoire. "
Et il continue en ces termes : " Jean-Paul II dit que les
hommes n'ont pas une seule chance d'établir un système
politique viable à moins que ce ne soit sur la base d'un
christianisme catholique romain. " (14)
Mais, pour le Vatican, le principe de séparation de l'Eglise
et de l'Etat a ruiné la moralité de l'Occident et
doit donc être aboli, si l'on veut mettre sur pied un ordre
moral et spirituel durable dans le monde. C'est la pape, en tant
que vicaire du Christ, la plus haute autorité sur la terre,
qui a reçu de Dieu cette mission particulière.
Enfin d'après Malachi Martin, cela concorde parfaitement
avec l'ancienne prophétie de Fatima, selon laquelle une
catastrophe d'ordre cosmique sur l'Europe de l'Est doit anéantir
tous les espoirs des communistes et des capitalistes de dominer
le monde. De cette catastrophe, le pape devait émerger
comme " le serviteur du grand dessein de Dieu. "
On
peut maintenant se représenter ce qui se passerait avec
les minorités d'opposition dans un nouveau gouvernement
mondial, sous une dictature totalitaire, et sous la conduite religieuse
de la papauté. Nous rappellerons ici les mots du collaborateur
du pape, le professeur Malachi Martin :
" Je crois au fait que le sang coulera, et que des nations
devront être exterminées. A certains endroits, comme
c'est le cas dans le Golfe Persique, il y aura des guerres...
Mais Jean Paul II croit fermement que les changements dans l'histoire
sont conduits par Dieu et Marie, mère de Dieu. Il pense
par ailleurs que c'est maintenant le temps du changement de l'humanité,
et qu'il aura lieu avant la fin de ce millénaire. "
(14)
L.T.
(1) L'Express, 21 février 2002, p. 9.
(2) Le Monde, Jeudi 21 février 2002, p. 11. Déclaration
de Me Wallerand de Saint-Just.
(3) L'Express, 21 février 2002, p. 12.
(4) Voir l'ouvrage de Zalman Shragai, Le voyage sauvetage au grand
rabbin, éd. Herzog, Jérusalem, 1947).
(5) Voir l'ouvrage de Jacques Mitterrand, La politique extérieure
du Vatican, 1959, p. 101.
(6) Libération, 27 février 2002, p. 3. Déclaration
de Marie-Anne Matard-Bonucci, historienne, spécialiste
de l'antisémitisme.
(7) Jean Mathieu-Rosay, prêtre historien, 4ème de
couverture de l'ouvrage d'Henri FABRE, L'Eglise
catholique face au fascisme et au nazisme, 1994.
(8) Publicité pour l'ouvrage d'Henri FABRE (auteur catholique),
L'Eglise catholique
face au fascisme et au nazisme, 1994, Editions EPO.
Voir aussi Alfred Grosser, postface à l'ouvrage de Saul
Friedlander, Pie XII et le IIIe Reich, Editions du Seuil, 1964,
p. 224 :
" Tous les documents concordent pour montrer l'Eglise coopérant
avec le régime hitlérien et ne prenant vraiment
ses distances que dans la mesure où des catholiques ou
le catholicisme se trouvaient attaqués par lui. Au moment
où le Concordat imposait aux évêques, en juillet
1933, un serment d'allégeance au gouvernement, celui-ci
avait déjà ouvert des camps de concentration. "
(9) L'Express, 21 février 2002, p. 10.
(10) L'Express, 21 février 2002, p. 9.
(11) John Cornwell, Le Pape et Hitler, 1999, p. 20.
(12) Anatole France, L'Eglise et la République, 1964, p.
26, 29.
(13) Annuaire Protestant, Année 1961, p. XII-XIII.
(14) Malachi Martin, The Keys of this Blood, 1990, p. 492.
(15) Interview donnée à la Radio Canadienne.
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