UNE
LETTRE DU FUTUR PAPE PAUL VI PLAIDANT EN FAVEUR DU LEADER FASCISTE
ITALIEN. Ou
quand l'exemple vient d'en haut...
Ecrivain
et homme politique, Giovanni Amendola est le fondateur des groupes
libéraux italiens particulièrement dynamiques dans
l'opposition au fascisme montant. Giovanni Amendola sera élu
député en 1919. Ministre des Finances du gouvernement
Nitti, il continuera à être un adversaire résolu
du fascisme au point d'y laisser sa vie. Agressé violemment
en 1925 par Carlo Scorza, à l'époque leader des
groupes d'action fascistes (les squadrista : commandos activistes
très violents), Giovanni Amendola décédera
de ses blessures un an plus tard.
La guerre terminée, le responsable est enfin inculpé.
Mais Carlo Scorza est devenu entre temps secrétaire national
du parti fasciste, c'est-à-dire le personnage le plus important
après Mussolini. Le procès a lieu dans la province
où Scorza est emprisonné. Celle-ci dépend
du diocèse de Pistoïa (Toscane).
Avant le procès, Mgr Montini, personnage influent de la
secrétairerie d'Etat du Vatican, écrit une lettre
le 13 mars 1947 à l'évêque de Pistoïa
et lui demande, au nom de la famille Scorza, d'intervenir de façon
à ce que le leader du parti fasciste italien ne soit pas
condamné.
Deux arguments dans la lettre de Mgr Montini : le premier: la
famille pense qu'il est innocent ; le second : dans les années
43 il a manifesté " quelque bon sentiment "
C. T.
Excellence
Révérendissime,
Le 24 mars p.v. commencera le procès à charge des
personnes retenues comme responsables de la mort de l'honorable
Giovanni Amendola. Parmi les inculpés il y a l'ex-secrétaire
du parti fasciste Carlo Scorza.
La famille de Scorza, qui considère l'inculpé comme
absolument étranger au fait criminel de l'agression d'Amendola,
croit pouvoir apporter au procès suffisamment de preuves
de son innocence, mais nourrit à dessein des inquiétudes,
craignant que des raisons d'ordre politique contribuent à
déranger la sereine objectivité du débat.
Je me permets donc de signaler ce cas à l'illuminée
charité et prudence de son Excellence Révérendissime,
en la priant de bien vouloir s'employer, dans les limites de ses
possibilités, afin de contribuer à dissiper les
préoccupations de la famille Scorza et ses désirs
vis-à-vis du procès sus-dit.
A l'égard de M. Carlo Scorza, je crois opportun, pour la
vérité, de faire remarquer à votre Eminence
qu'en 1943 il avait manifesté quelque bon sentiment.
Les avocats défenseurs de Scorza pendant ce procès
signalé à notre secrétariat sont messieurs
Toffanin de Padoue, Carli de Florence et Leati de Pistoïa.
Reconnaissant à Votre Eminence de ses éventuelles
recommandations à ce sujet, je profite de l'occasion pour
baiser le Saint-Anneau et témoigner de mon amour avec les
hommages de mes sentiments dévoués.
De son Excellence Révérendissime,
son dévoué secrétaire,
Gian Battista Montini
Repris
avec l'aimable autorisation de Golias.
Golias n° 29 - printemps 1992, p. 245-246.
|