DOCUMENTS

 

" Tous les documents concordent pour montrer l'Eglise coopérant avec le régime hitlérien et ne prenant vraiment ses distances que dans la mesure où des catholiques ou le catholicisme se trouvaient attaqués par lui. Au moment où le Concordat imposait aux évêques, en juillet 1933, un serment d'allégeance au gouvernement, celui-ci avait déjà ouvert des camps de concentration. "

Alfred Grosser, postface à l'ouvrage de Saul Friedlander, Pie XII et le IIIe Reich, Editions du Seuil, 1964, p. 224.

UNE LETTRE DU FUTUR PAPE PAUL VI PLAIDANT EN FAVEUR DU LEADER FASCISTE ITALIEN. Ou quand l'exemple vient d'en haut...

Ecrivain et homme politique, Giovanni Amendola est le fondateur des groupes libéraux italiens particulièrement dynamiques dans l'opposition au fascisme montant. Giovanni Amendola sera élu député en 1919. Ministre des Finances du gouvernement Nitti, il continuera à être un adversaire résolu du fascisme au point d'y laisser sa vie. Agressé violemment en 1925 par Carlo Scorza, à l'époque leader des groupes d'action fascistes (les squadrista : commandos activistes très violents), Giovanni Amendola décédera de ses blessures un an plus tard.
La guerre terminée, le responsable est enfin inculpé. Mais Carlo Scorza est devenu entre temps secrétaire national du parti fasciste, c'est-à-dire le personnage le plus important après Mussolini. Le procès a lieu dans la province où Scorza est emprisonné. Celle-ci dépend du diocèse de Pistoïa (Toscane).
Avant le procès, Mgr Montini, personnage influent de la secrétairerie d'Etat du Vatican, écrit une lettre le 13 mars 1947 à l'évêque de Pistoïa et lui demande, au nom de la famille Scorza, d'intervenir de façon à ce que le leader du parti fasciste italien ne soit pas condamné.
Deux arguments dans la lettre de Mgr Montini : le premier: la famille pense qu'il est innocent ; le second : dans les années 43 il a manifesté " quelque bon sentiment "…

C. T.

Excellence Révérendissime,
Le 24 mars p.v. commencera le procès à charge des personnes retenues comme responsables de la mort de l'honorable Giovanni Amendola. Parmi les inculpés il y a l'ex-secrétaire du parti fasciste Carlo Scorza.
La famille de Scorza, qui considère l'inculpé comme absolument étranger au fait criminel de l'agression d'Amendola, croit pouvoir apporter au procès suffisamment de preuves de son innocence, mais nourrit à dessein des inquiétudes, craignant que des raisons d'ordre politique contribuent à déranger la sereine objectivité du débat.
Je me permets donc de signaler ce cas à l'illuminée charité et prudence de son Excellence Révérendissime, en la priant de bien vouloir s'employer, dans les limites de ses possibilités, afin de contribuer à dissiper les préoccupations de la famille Scorza et ses désirs vis-à-vis du procès sus-dit.
A l'égard de M. Carlo Scorza, je crois opportun, pour la vérité, de faire remarquer à votre Eminence qu'en 1943 il avait manifesté quelque bon sentiment.
Les avocats défenseurs de Scorza pendant ce procès signalé à notre secrétariat sont messieurs Toffanin de Padoue, Carli de Florence et Leati de Pistoïa.
Reconnaissant à Votre Eminence de ses éventuelles recommandations à ce sujet, je profite de l'occasion pour baiser le Saint-Anneau et témoigner de mon amour avec les hommages de mes sentiments dévoués.
De son Excellence Révérendissime,
son dévoué secrétaire,
Gian Battista Montini

Repris avec l'aimable autorisation de Golias.
Golias n° 29 - printemps 1992, p. 245-246.

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