DOCUMENTS

 

" Tous les documents concordent pour montrer l'Eglise coopérant avec le régime hitlérien et ne prenant vraiment ses distances que dans la mesure où des catholiques ou le catholicisme se trouvaient attaqués par lui. Au moment où le Concordat imposait aux évêques, en juillet 1933, un serment d'allégeance au gouvernement, celui-ci avait déjà ouvert des camps de concentration. "

Alfred Grosser, postface à l'ouvrage de Saul Friedlander, Pie XII et le IIIe Reich, Editions du Seuil, 1964, p. 224.

SLOVAQUIE : QUAND LE CARDINAL KOREC REVISE L'HISTOIRE...

Le cardinal Jan Korec, président de la conférence épiscopale régionale de Slovaquie a pris la défense, lors d'une conférence de presse à New York (5 mars 1992), de Jozef Tiso, prélat catholique qui fut le président de la Slovaquie placée sous l'orbite de l'Allemagne nazie de 1939 et 1945. Sous son gouvernement plusieurs dizaines de milliers de juifs ont été livrés dès 1942 à l'Allemagne nazie. Des 90 000 juifs de Slovaquie 75 000 ont ainsi péri dans les camps de la mort. A sa décharge le cardinal Korec déclara que Jozef Tiso avait stoppé les déportations dès l'été 1942, quand il s'était rendu compte que les nazis mentaient en prétendant que les juifs étaient envoyés au travail. Selon les affirmations de Mgr Korec, " Jozef Tiso n'était pas en mesure d'empêcher les nazis d'obtenir ce qu'ils voulaient en Slovaquie " (source APIC).
Ces déclarations qui tentent de réhabiliter un homme qui s'est gravement compromis avec le régime hitlérien, ne peuvent que provoquer l'indignation. Mgr Korec a omis de préciser que le 4 septembre 1941, à1'occasion de la consécration d'une nouvelle église paroissiale, l'abbé Tiso déclara conforme la théorie sociale du nazisme à la doctrine sociale de l'Église. I1 ne faut pas oublier qu'il fut aussi l'un des promoteurs de la politique antisémite de l'État Slovaque : " Les premiers décrets qui frappèrent la communauté juive, la révision de la natalité selon une nouvelle définition légale et l'aryanisation des biens, sont son œuvre " (cf. Les chrétiens face au nazisme et au stalinisme de X. de Montclos). Lorsque les premiers trains chargés de leur marchandise humaine s'ébranlèrent, Mgr Tardini (secrétaire au Vatican de la congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires) déclara dans une note : " Je ne sais si les démarches réussiront à arrêter... les fous ! Et les fous sont deux : Tuka qui agit et Tiso qui laisse faire. "
Le 6 mars 1942, les rabbins de Slovaquie, s'appuyant sur les informations que leur avaient transmises des juifs polonais réfugiés, adressèrent au président Tiso et aux évêques du pays une lettre collective dans laquelle ils disaient : " La loi peut revêtir la déportation de n'importe quel nom et en donner n'importe quelle raison, le fait demeure qu'elle signifie l'extermination physique de la communauté juive de Slovaquie. " Tiso savait par d'autres sources, notamment par les slovaques qui combattaient aux côtés des allemands, que des commandos spéciaux se livraient au massacre des populations juives en arrière du front russe. En acceptant cet état de chose, Tiso savait qu'il prenait une très lourde responsabilité.
En ce qui concerne l'arrêt des déportations, l'historien X. de Montclos souligne que " c'est sans doute sous l'action conjuguée des chefs de la communauté juive locale, des organisations juives mondiales, du Vatican et de personnalités slovaques comme Mgr Kmetko que la déportation cessa en octobre 1942 ".
La carrière politique de Tiso atteignit son plus haut degré lorsque le parlement slovaque, par une loi du 22 octobre 1942 l'éleva au rang de "guide" (Vodca) de la nation. " A la suite de Hitler, de Mussolini, d'Antonescu, l'abbé Tiso se rangeait parmi les leaders de la nouvelle Europe " (cf. X. de Montclos).
Lorsqu'en 1945, l'armée rouge libéra la Slovaquie, Tiso chercha asile dans un monastère en Autriche puis se rendit aux Américains qui le livrèrent au gouvernement tchécoslovaque. Il sera condamné à mort et exécuté le 18 avril 1947.
Malgré ces faits, Mgr Korec a déploré, au cours de cette même conférence de presse, que pendant quarante ans, il n'a pas été possible de rechercher la vérité sur Jozef Tiso et que " même maintenant que nous vivons en liberté, la vérité de Tiso ne peut être exprimée à haute voix ". Il doute que des historiens formés à l'époque communiste puissent entreprendre une recherche objective. Selon lui, une chose paraît sûre : " En Slovaquie la paix ne pourra pas s'établir tant que cette question n'aura pas été définitivement éclaircie " (source APIC).

Repris avec l'aimable autorisation de Golias.
Golias n° 29 - printemps 1992, p. 249.

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