SLOVAQUIE : QUAND LE CARDINAL KOREC
REVISE L'HISTOIRE...
Le
cardinal Jan Korec, président de la conférence épiscopale
régionale de Slovaquie a pris la défense, lors d'une
conférence de presse à New York (5 mars 1992), de
Jozef Tiso, prélat catholique qui fut le président
de la Slovaquie placée sous l'orbite de l'Allemagne nazie
de 1939 et 1945. Sous son gouvernement plusieurs dizaines de milliers
de juifs ont été livrés dès 1942 à
l'Allemagne nazie. Des 90 000 juifs de Slovaquie 75 000 ont ainsi
péri dans les camps de la mort. A sa décharge le
cardinal Korec déclara que Jozef Tiso avait stoppé
les déportations dès l'été 1942, quand
il s'était rendu compte que les nazis mentaient en prétendant
que les juifs étaient envoyés au travail. Selon
les affirmations de Mgr Korec, " Jozef Tiso n'était
pas en mesure d'empêcher les nazis d'obtenir ce qu'ils voulaient
en Slovaquie " (source APIC).
Ces déclarations qui tentent de réhabiliter un homme
qui s'est gravement compromis avec le régime hitlérien,
ne peuvent que provoquer l'indignation. Mgr Korec a omis de préciser
que le 4 septembre 1941, à1'occasion de la consécration
d'une nouvelle église paroissiale, l'abbé Tiso déclara
conforme la théorie sociale du nazisme à la doctrine
sociale de l'Église. I1 ne faut pas oublier qu'il fut aussi
l'un des promoteurs de la politique antisémite de l'État
Slovaque : " Les premiers décrets qui frappèrent
la communauté juive, la révision de la natalité
selon une nouvelle définition légale et l'aryanisation
des biens, sont son uvre " (cf. Les chrétiens
face au nazisme et au stalinisme de X. de Montclos). Lorsque les
premiers trains chargés de leur marchandise humaine s'ébranlèrent,
Mgr Tardini (secrétaire au Vatican de la congrégation
des affaires ecclésiastiques extraordinaires) déclara
dans une note : " Je ne sais si les démarches réussiront
à arrêter... les fous ! Et les fous sont deux : Tuka
qui agit et Tiso qui laisse faire. "
Le 6 mars 1942, les rabbins de Slovaquie, s'appuyant sur les informations
que leur avaient transmises des juifs polonais réfugiés,
adressèrent au président Tiso et aux évêques
du pays une lettre collective dans laquelle ils disaient : "
La loi peut revêtir la déportation de n'importe quel
nom et en donner n'importe quelle raison, le fait demeure qu'elle
signifie l'extermination physique de la communauté juive
de Slovaquie. " Tiso savait par d'autres sources, notamment
par les slovaques qui combattaient aux côtés des
allemands, que des commandos spéciaux se livraient au massacre
des populations juives en arrière du front russe. En acceptant
cet état de chose, Tiso savait qu'il prenait une très
lourde responsabilité.
En ce qui concerne l'arrêt des déportations, l'historien
X. de Montclos souligne que " c'est sans doute sous l'action
conjuguée des chefs de la communauté juive locale,
des organisations juives mondiales, du Vatican et de personnalités
slovaques comme Mgr Kmetko que la déportation cessa en
octobre 1942 ".
La carrière politique de Tiso atteignit son plus haut degré
lorsque le parlement slovaque, par une loi du 22 octobre 1942
l'éleva au rang de "guide" (Vodca) de la nation.
" A la suite de Hitler, de Mussolini, d'Antonescu, l'abbé
Tiso se rangeait parmi les leaders de la nouvelle Europe "
(cf. X. de Montclos).
Lorsqu'en 1945, l'armée rouge libéra la Slovaquie,
Tiso chercha asile dans un monastère en Autriche puis se
rendit aux Américains qui le livrèrent au gouvernement
tchécoslovaque. Il sera condamné à mort et
exécuté le 18 avril 1947.
Malgré ces faits, Mgr Korec a déploré, au
cours de cette même conférence de presse, que pendant
quarante ans, il n'a pas été possible de rechercher
la vérité sur Jozef Tiso et que " même
maintenant que nous vivons en liberté, la vérité
de Tiso ne peut être exprimée à haute voix
". Il doute que des historiens formés à l'époque
communiste puissent entreprendre une recherche objective. Selon
lui, une chose paraît sûre : " En Slovaquie la
paix ne pourra pas s'établir tant que cette question n'aura
pas été définitivement éclaircie "
(source APIC).
Repris
avec l'aimable autorisation de Golias.
Golias n° 29 - printemps 1992, p. 249.
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